Nilanjana S. Roy, Black River

Nilanjana S. Roy, Black River

Munia est une petite fille de huit ans, élevée par Chand, son père. Sa mère est morte en couches. Munia est partie chercher des baies lorsqu’elle voit l’homme. Elle connaît les rendez-vous clandestins et assiste à l’un d’eux. Or, celui-ci se termine mal. L’homme emporte le corps de la femme et revient. Il regrette que la fillette ait tout vu. Il la pend lui faisant croire qu’il lui installe une balançoire.
Chand se dépêche de revenir car il sait que sa fille n’aime pas qu’il rentre tard. Ce sont des pleurs d’homme qui attirent son attention. En s’approchant il voit un vagabond agenouillé qui tient les pieds inertes de Munia. La gamine est pendue à un jamalonier. Il reconnaît Mansoor Khan qui clame son innocence.
Ombir Singh, le responsable du poste de police de Teetarpur, rentre de Faridabad. Il n’a pas dormi depuis quarante heures. Averti du drame, sur place, il fait face à un groupe de villageois en colère. Il obtient une semaine pour résoudre ce crime. Passé ce délai, ils rendront une justice expéditive, brutale. Le coupable ne peut être que le vagabond.
L’enquête menée par Ombir et son adjoint se confronte très vite à une suite de complications de toutes natures. De plus, ce délai entraîne une forte tension pour les policiers qui savent qu’un innocent sera assassiné s’ils ne trouvent pas le vrai coupable…

Dès le début, le lecteur peut penser que le véritable coupable n’est pas ce vagabond aux yeux remplis de souffrances. L’enquête menée par les deux policiers permet une plongée effrayante dans les fractures de l’Inde moderne. Ce sont le communautarisme, la corruption, le jeu des classes sociales, des castes et le poids disproportionné des traditions. Nilanjana S. Roy, par ailleurs journaliste, chroniqueuse et critique littéraire, signe un roman policier courageux avec une intrigue façonnée de la meilleure manière.
Si le point de départ du récit se situe dans un petit village à une heure de voiture de Dehli, le cadre du roman va se déplacer sur une large zone incluant la capitale.
C’est alors une succession de situations fâcheuses. On y trouve toutes les composantes de l’intolérance religieuse, les tensions entre la majorité hindoue et les minorités comme la croyance musulmane. La corruption est si endémique qu’elle fait partie intégrante de la vie quotidienne. Elle décrit le racisme habituel, les incohérences liées à l’existence des castes, le fuite des paysans qui, ne pouvant plus vivre, même pauvrement, du travail de la terre, vendent à des promoteurs. Elle cite la déforestation, la pression subie par les minorités qui doivent vendre pour aller vivre dans des pays où ils ne seront pas pourchassés. Elle dénude la pseudo démocratie où les puissants dictent leurs lois sans scrupules. C’est aussi la force de l’argent qui donne tous les droits sans avoir à se soucier de la justice.

Avec ce livre, publié en Inde en 2021, la romancière offre une fresque sociale, dresse un portrait sans concessions d’un pays qui se veut moderne mais où le poids des castes, des traditions pèse très lourd. Elle assorti ce bilan social et humain d’une intrigue remarquablement menée.

Nilanjana S. Roy, Black River (Black River), traduit de l’anglais (Inde) par Benoîte Dauvergne, Editions de l’aube, coll. L’aube Noire, septembre 2025, 416 p. – 21,00 €.

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