Martine Roffinella, Lesbian Cougar Story
La rencontre avec Lolita s’effectue dans un lieu inattendu car spécialisé en gériatrie où la mère de la narratrice est en convalescence après un problème de santé soigné d’abord à l’hôpital. Mais qu’importe l’espace où pointe l’ivresse.
Et celle qui signerait presque son livre par un simple « m » donne à cette intention une raison majeure. Elle a rencontré dans ce lieu paradoxal Lolita qui l’a surnommée ainsi. Et la narratrice-auteure d’ajouter : « Me voilà résumée ou définie par une initiale en minuscule, ce qu’au fond j’ai bien cherché en me refusant à moi-même la majuscule, pourquoi je ne sais pas ».
Au début de sa relation avec cette jeune femme, elle a pensé qu’il y avait de celle-ci « une petite source poétique cachée – « m », « aime » ». Car lorsqu’elle l’appelle de la sorte la narratrice n’entend que l’impératif singulier d’un tel verbe. Cela lui fait beaucoup de bien ce à quoi s’ajoutent « des ruses de timide pour glisser à l’autre la pudeur du sentiment éprouvé. ».
Néanmoins, la nature d’une telle relation est charnelle. Ce qui provoque bien des émois pour celle qui pensait que son ticket pour l’éros était sur le point de n’être plus valable. La passion en n’est que plus forte. Même si, quand Lolita a envie subitement d’elle, cellle-ci se souvient de son âge. Elle sait qu’une presque adolescente qui couche avec une vieille implique une contrepartie. « m » jette un œil sur son propre sexe avant d’aller s’occuper du sien. Tandis que l’un est en fin de floraison , l’autre « né de sa minceur, paraît encore en bouton, non éclos presque. »
Pour éviter l’écart trop marqué entre les nids, et à la demande de son amante, la narratrice a rasé sa toison. Certes, il reste malgré tout des différences. Les grandes lèvres chez la jouvencelle sont lisses et d’un joli rose. Celles de la cougar sont plus foncées tant elles ont vécu tant de fois la caresse. On pourrait prendre Lolita pour une vierge (telle d’ailleurs qu’elle se présente).
Mais qu’importe car le plus important c’est ce que son initiatrice lui fait connaître de sa bouche et de sa langue lorsqu’elle frôle doucement le clitoris de celle qui se laisse faire et qui, quoique très jeune, sait apprendre à sa propre maîtresse experte la patience.
Tout pourrait sembler se réduire au plaisir partagé des sens. Mais la relation se double d’un entretien qui, à sa façon, semble infini. La jeunesse lui écrit plusieurs fois par jour, l’autre répond et la première lui renvoie à son tour une réponse en énigme. Si bien qu’elle semble toujours au bord de ne pas écrire et sur le point de tout quitter, « et les mots et la vie ».
Mais non : elle continue, vit, écrit et aime – de quoi redonner existence à celle qui va revivre une nouvelle jeunesse que l’écriture de Martine Roffinella érotise à souhait et avec cette délicatesse qui n’appartient qu’à une écriture féminine. Elle donne une part égale aux aspirations divergentes (sur le long terme) des deux amantes.
jean-paul gavard-perret
Martine Roffinella, Lesbian Cougar Story, La Musardine, Paris, 2023, 120 p. – 17,00 €.
