Marine Leconte, Replier le lieu
Marine Leconte ramène le corps sur le lieu où il disparaît. Mais ici, les mots, dans ce que les couturières nomment le passé empiété, créent un dialogue avec une presque ombre dans le rideau du temps.
Bref, il convient, et à son chevet, de dire à la langue ce qu’elle n’entend pas, ou si peu, ou si mal.
Arrive alors que, comme chez Beckett, « les mots nous lâchent ». Mais c’est pourtant que quelque chose d’intéressant se passe. Et il s’agit de tout reprendre, par divers interstices, « du » paysage et « du » corps pour rassembler ce qui peut l’être et qui fait signe.
Preuve qu’un lieu – comme le langage – ne rend pas l’âme. Toutefois, il ne faut en espérer « Que des cailloux / Et un peu de sable ».
C’est peu diront certains, quoiqu’il faille parfois se contenter de moins. C’est aussi le moyen de se rappeler que l’existence est dans ses plis, donc à la fois ici et « de l’autre côte » là où tout s’échappe et disparaît mais que l’écriture tente de rameuter et de rassembler
D’où un double mouvement de repli mais aussi de « dépli » dans le ravaudage poétique au chevet d’une mourante qui est peut-être la langue et ce, dans la cérémonie qu’elle engendre.
Un tel soliloque permet de retrouver non ce qui fut mais ce qui est vu mais qui se perd. C’est pourquoi, dans le lieu replié de la langue, un corps – que trop souvent et à l’inverse de Marine Leconte les poètes ignorent – se « fait » et se déplie enfin dans un dédale et une économie signifiante de mots.
Il est ce qu’il devient, il devient ce qu’il est
jean-paul gavard-perret
Marine Leconte, Replier le lieu, Editions Douro, coll. Poésies au Présent, Paris, 2023, 82 p. – 17,00 €.
