Marc Cholodenko, Puis gris que dilue du rose que brûle le bleu
Portrait de l’écrivain en espion
Le texte de Marc Cholodenko est une perpétuelle mise en abyme où « l’absence établit la souveraine adorable évidence ». Mais l’inverse est tout aussi vrai. Le livre devient une œuvre où se mêlent le concret et l’abstrait, le dehors et le dedans, les formes et les couleurs. Le lisible se veut le visible et le visible lisible en une quête désespérée où la pensée se construit par la création d’une poésie forgée de courants et d’une pluie de détails. Ils prouvent que toute formule ou genre est impossible et qu’il n’y a pas de règle. Sinon qu’à chercher trop de précision, la vérité s’éloigne.
Puis gris que dilue du rose que brûle le bleu devient le relevé d’une « aventure » existentielle à la figuration infigurable. L’écriture s’efface dans le temps même où elle s’engendre ; en surgissent des densités déviantes de formes. Elles prennent de la hauteur en se chevillant, en se noyant dans la matrice de la page où elles se cristallisent. Chaque segment grouille, agité d’un mouvement particulaire qui le relie aux autres. Le texte représente donc le lieu d’enfermement et d’ouverture où quelque chose « ne colle pas ». L’écriture en effet n’adhère plus aux apparences du monde puisqu’elle propose un décalage du motif au sein d’un décrochement visuel. La » réflection » se brise. Cholodenko la détruit, la reprend, la retape, la détruit. Le lecteur n’est jamais confortablement installé car le texte produit un vertige, une fascination. Il atteint aussi une sincérité totale et une forme de perfection dans des zones de paradoxales précisions éloignées de toute « vérité » , globale. Dans son abstraction programmée voici le livre clandestin qui espionne le monde.
jean-paul gavard-perret
Marc Cholodenko, Puis gris que dilue du rose que brûle le bleu, P.O.L éditions, Paris, 2014, 80 p. – 10,00 €.