Luis Mizon & Frederic Jacques Temple, L’île dont les yeux regardent le ciel
Dans ce livre écrit en duo les dogmes de l’esthétique primitive des statues-mehirs du Larzac se mêlent aux « Moais » de l’Ile de Pâques. Au sein de telles figurations, le travail de la poésie non seulement traverse les temps et les espaces mais ouvre quasiment à la fois sur l’onirisme et vers une vision « lynchéenne » des êtres et du monde.
Les deux poètes plongent en un univers à la fois ouvert et fermé. En conséquence, si la figuration fait loi, on est loin du réalisme poétique. Tout est soulevé d’une puissance tellurique. Le lecteur est pris dans un univers formel à la recherche de l’algorithme de l’image.
L’iconographie crée une paradoxale écriture de la modernité. Elle joue sur une nécessaire ambiguïté et un décalage. Elle transforme le lecteur en un être à la fois libre et aimanté à la statuaire la plus forte et primitive, dotée d’un émoi sans frontières temporelles ou géographiques.
Alors, et comme toujours lorsque des regards habités le contemplent, un univers riche se fait jour. Le ressort dramatique tient précisément à ce regard profond et torturé porté sur le monde.
Nous retrouvons ici deux voix qui, au milieu des palus oubliés ou sous le vol ralenti des hérons et leur ailes de cendre, font jaillir de la terre des dieux qui ne sont pas morts.
Dans leur coeur de pierre, le sang remplace l’eau du Déluge sur le monde qui bascule. Un soleil rouge le regarde.
jean-paul gavard-perret
Luis Mizon & Frederic Jacques Temple, L’île dont les yeux regardent le ciel, éditions Méridianes, coll. Duo, Montpellier, 2019 – 12,00 €.