Leslie Kaplan, L’Aplatissement de la Terre, suivi de Le Monde et son contraire

Leslie Kaplan, L’Aplatissement de la Terre, suivi de Le Monde et son contraire

Le hors-sens des existences

L’expansion du domaine de la lutte s’élargit dans ce livre dont l’écriture ouvre le monde à une  « palpation »  aussi directe que distanciée.
L’auteure apprend à habiter dans le vertige face à ceux qui imposent leur carte du monde.

Ce nouveau conte politique de Leslie Kaplan s’ouvre par une chute.  « Tout le monde s’en souvient : ce matin-là au réveil la nouvelle tournait en boucle, quelqu’un était tombé en dehors de la Terre.  Pas dans un trou, pas dans une crevasse, pas dans un abîme. » Avec une telle entrée en matière tout est aussitôt aussi cruel que drôle.
Dans les cinq textes de L’Aplatissement la Terre est devenue une sorte de crêpe écrasée par un seul système. Mais l’auteure propose plusieurs manières d’y répondre. Les clés peuvent se découvrir dans les rêves, les films, les livres, la musique car des rencontres ou des envahissements y ont lieu.

Il y a donc autant d’issues que de risques de soi-même s’étaler. L’ennemi rampe : néanmoins, le possible et le commencement permettent de réinventer le monde. Cette approche se poursuit dans le second opus du livre.
Un acteur y joue le personnage de Kafka, et comme lui, il se bat et illustre en quelque sorte ce que le premier texte avance en ses hypothèses.

Leslie Kaplan revient à sa ligne vériste qui lui avait fait publier jadis L’excès – L’usine. Le livre semble écrit de mémoire à travers des fragments, des commencements d’instants qui renaissent pour lutter contre l’existant. Plus que de récit ou de théâtre, il faudrait parler de poésie.
En surgissent toujours un élément perturbant, un abcès de fixation qui paradoxalement n’enlève rien au contexte effervescent et mensonger du monde tel qu’il est.

L‘auteure trouve naturellement un sens de l’amalgame à la fois cohérent et hétéroclite, elle ramène le réel à des réseaux ou des passages secrets. Il y est autant permis de rêver que de se demander où l’on est projeté entre notre confort et l’inquiétude du monde.
L’humour reste constant sinon pour tout sauver, du moins ce qui peut l’être.

Dans une déconstruction – reconstruction Leslie Kaplan déplace la compréhension du lecteur. La narration hors de ses gonds met à jour le hors-sens des existences pour la métamorphose du monde.
Si bien que l’écriture appelle à une autre réalité. Il faut courir après sans s’en remettre aux poncifs du hasard, des vertus ou de la complaisance.

jean-paul gavard-perret

Leslie Kaplan, L’Aplatissement de la Terre, suivi de Le Monde et son contraire, P.O.L éditeur, Paris, février 2021, 238 p. – 15,00 €.

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