Les Démons (Fédor Dostoïevski / Sylvain Creuzevault)

Les Démons (Fédor Dostoïevski / Sylvain Creuzevault)

Un ballet à la fois cocasse et grandiloquent

Pendant que le public prend place, il est interpellé par les comédiens, qui offrent du champagne à quelques spectateurs. C’est une espèce d’efflorescence verbale : chacun parle en même temps que les autres, insensiblement on passe d’une réunion festive à une assemblée politique au cours de laquelle les différents caractères sont présentés. Le décor est fait de grands panneaux verticaux mobiles. Même les poteaux en fer qui semblaient soutenir la structure se révèlent déplaçables.
Les répliques sont vives, empreintes d’intensité dramatique : les dialogues qu’écrit Dostoïevski sont faits d’invectives incessantes et lancinantes. On a affaire à des personnages hauts en couleur, soumis à des interrogations existentielles et prompts à des imprécations métaphysiques. On assiste à des drames personnels, à des mariages improbables : les situations vaudevillesques sont conjointes à des crispations morales, voire ontologiques.

Le spectacle est baroque et revendique quelques aspects échevelés. Un duel paradoxal donne lieu à des répliques incongrues. Une confession sanglante qui permet d’investir les méandres de la conscience de Stavroguine. Une détresse qui se décline en confrontation de jugements. Chacun des personnages finit par être exposé à ses faiblesses intimes, soumis par des situations improbables à l’expression de ses propres failles.
Ce ballet à la fois cocasse et grandiloquent est conduit par le personnage habité, hanté et maudit de Stavroguine. Les ambiances hétéroclites sont délibérément conjointes : on passe d’une atmosphère religieuse à un climat d’émeutes, de discussions politiques à des expressions de l’intériorité.

Le spectacle est construit, pensé ; il présente des aspects surdéterminés. Sylvain Creuzevault fait le pari de laisser se télescoper des dimensions hétérogènes ; il construit une pièce dont le sens semble consister dans l’acte de dénier le sens. Les acteurs sont investis, ils habitent parfaitement leur personnage.
Un exercice de style bien mené, conduit avec brio, mais qui risque de finir par apparaître vain, tant il déploie des thématiques redondantes.

christophe giolito


Les Démons
 de Fédor Dostoïevski
traduction française André Markowicz
adaptation Sylvain Creuzevault

Avec Nicolas Bouchaud, Valérie Dréville, Vladislav Galard, Michèle Goddet, Arthur Igual, Sava Lolov, Léo-Antonin Lutinier, Frédéric Noaille, Amandine Pudlo, Blanche Ripoche, Anne-Laure Tondu.

Scénographie Jean-Baptiste Bellon ; costumes Gwendoline Bouget ; création musicale Nicolas Jacquot ; masques Loïc Nébréda ; lumière Nathalie Perrier ; son Michaël Schaller ; film Sylvain Creuzevault, Adrien Lamande.

Au théâtre de l’Odéon – Ateliers Berthier 75017
Du 21 septembre au 21 octobre 2018
19h30 du mardi au samedi, 15h le dimanche.
Avant-premières les 19 et 20 septembre.
Relâche le 23 septembre.

Réservations +33 1 44 85 40 40

http://www.theatre-odeon.eu/fr/saison-2018-2019/spectacles-1819/les-demons

durée estimée 3h45 (avec un entracte)

Production Le Singe, coproduction Odéon-Théâtre de l’Europe, Festival d’Automne à Paris, Scène nationale Brive Tulle, TAP – Scène nationale de Poitiers, TnBA Théâtre national Bordeaux en Aquitaine, Théâtre de Lorient Centre dramatique national, Le Parvis scène nationale Tarbes Pyrénées, La Criée – Théâtre National de Marseille.

avec la participation artistique du Jeune théâtre national
avec le soutien de l’Adami

avec le Festival d’Automne à Paris.

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