Le théâtre ambulant Chopalovitch

Le théâtre ambulant Chopalovitch

Ecrite par un auteur serbe, cette pièe est un véritable conte tragico-satirico-burlesque

Il est des textes intéressants, passionnants même, qui se peuvent perdre dans un certain oubli, sans qu’il y ait besoin de guerre pour cela… heureusement, des hommes passent qui les recueillent, et, touchés par leur grâce, veulent et savent les partager. Ainsi de cette jeune troupe talentueuse, en redécouvrant le texte d’un auteur serbe, Lioubomir Simovitch, qui écrivit sous une certaine guerre le joug d’une autre, pour les dénoncer toutes. Cette pièce en évoque les ravages dans le coeur des hommes avec poésie, drôlerie et passion, comme un mauvais rêve où trop de choses humaines sont brisées, beaucoup trop…

Une jeune fille court, vertueuse et pure, fuyant un seigneur au coeur barbare, frère de son amant et qui la veut posséder, contre toute loyauté, la menaçant vite de son épée devant son refus… puis, puis, le frère survenu, la chose se lance : le théâtre ambulant Chopalovitch jouera Les Brigands de Schiller ce soir sur la place publique. L’épée de bois était bien une épée de bois…

Sans que la troupe puisse achever, un groupe de paysannes, furieuses bacchantes affamées, surgit, criant, rageant, gueulant : nous sommes en 1942, à Oudjitsé, ville serbe occupée par les Nazis, et dans le choeur sanglant des occupants, de la populace et des résistants, il n’y a pas lieu de jouer du théâtre.

Le ton de la pièce est dès lors donné : dans cet univers baroque, c’est le rêve et le réel qui vont lutter, avec poésie, drôlerie et profondeur. Dépouillée et allusive quant au décor, la mise en scène table sur le rêve né du jeu intense des acteurs, sur la qualité du texte, et sur de beaux moments expressionnistes de forêts humaines : pari gagné ! La pièce suscite l’horreur cauchemardesque propre aux hommes lorsque la guerre les broie : notamment le personnage du broyeur, comme son acteur, tortionnaire terrible, est effrayant et poétique, comme un ogre de conte. Horreur des hommes donc, masi beauté aussi : face aux arrestations, à l’arbitraire et aux tortures nazis, la troupe et les paysannes, si elles s’affrontent et exposent la médiocrité humaine, réussissent à faire entendre une vraie voix humaine.

Dans ce monde embrouillé par le sang qui laisse des traces inquiétantes – Ô MacBeth, ivrognes, rêveurs, héros, tortionnaires ne se distinguent plus, car la guerre abolit atrocement toute limite, détruit le sens… heureusement, il demeure des hommes à persévérer dans leur parcours aveugle au coeur de la nuit, ou à se pendre dans un coin d’ombre, renés à la dignité d’homme. Car il s’agit bien de dignité poétique de l’homme, comme la tutelle de Schiller, grand chantre des Lumières et de la Révolution, ne pouvait qu’y inviter.

Une très belle pièce, servie par une interprétation juste, dans une mise en scène admirable, un décor minimal mais d’autant plus redoutable.

Visitez le site dédié au spectacle.

samuel vigier

   
 

Lioubomir Simovitch, Le théâtre ambulant Chopalovitch
Mise en scène de Roch-Antoine Albaladejo.

A Avignon jusqu’au 30 juillet, théâtre de la danse Golovine à 16h15.

 
     

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