Ken Follett, Le Cercle des jours
La genèse d’un grand mystère
L’auteur gallois, maître incontestable du récit épique, des fresques sociales, laisse de côté, pour l’instant, les intrigues médiévales et s’intéresse à la Préhistoire. Foin des constructions de cathédrales, de l’histoire du XXe siècle ou de la lutte sociale au XVIIIe siècle, il s’attache à élucider un des grands mystères de l’humanité, à savoir la genèse et la construction de ces cercles de pierre géantes de Stonehenge.
Le livre s’ouvre avec Seth, un jeune garçon de quinze étés qui, avec son père et ses deux frères, exploite une mine de silex. Ils sont en chemin à travers la Grande Plaine, pour échanger leur production lors du Rite du solstice d’été. Il déteste sa famille et veut la quitter à la première occasion. Mais il a hâte d’être arrivé pour retrouver Neen qu’il a connue lors du Rite de printemps et qui semble avoir des sentiments pour lui.
Si la rencontre a lieu sous les meilleurs auspices, il doit, forcé par son père, repartir protéger la mine. Mais les circonstances vont lui faire rencontrer une sœur de Neen, Joia, devenue grande prêtresse. Ensemble, ils ne vont avoir de cesse de réaliser un projet fou…
C’est à une reconstitution audacieuse que Ken Follett convie ses lecteurs. Il recrée une période en se basant sur les dernières recherches archéologiques et sur des hypothèses tout à fait fondées. Il place son récit vers 2500 ans avant notre ère, au cœur du Néolithique. Cette période voit nombre de mutations d’importance. Des tribus passent de la chasse-cueillette à l’agriculture, les populations se sédentarisent, des hiérarchies sociales émergent. L’élevage se développe comme l’artisanat. Les techniques se perfectionnent, que ce soit la taille de la pierre, la poterie, le tissage… Le pouvoir spirituel s’impose fondé sur ce qui intrigue le plus, les cycles solaires, la fertilité des femmes, des cultures, des élevages.
Les protagonistes animés par l’auteur semblent taillés dans le granit. Mais, il excelle à concevoir des caractères singuliers, mus par des passions profondes, ayant à faire face à des dilemmes tant physiques que moraux. Avec son couple de héros, entre Seth, l’artisan passionné porté par la volonté de bâtir et Joia, une femme de pouvoir, une mystique doublée d’une stratège, il réussit une union parfaite. Pour eux, l’édification du Monument permettra d’apaiser les tensions entre les clans et inscrire leur peuple dans une histoire plurimillénaire.
Autour d’eux, gravitent un nombre impressionnant d’acteurs secondaires, tous aussi bien conçus qu’il s’agisse des chefs de clans, des professionnels de toutes natures, des opposants au projet, des fauteurs de guerre…
Le romancier s’appuie sur des études approfondies selon lesquelles le site aurait servi de centre politique mais surtout de lieu de culte, d’observatoire astronomique pour nourrir les messages religieux. C’est avec une précision remarquable que sont décrits les défis auxquels les porteurs du projet ont dû faire face. Il faut tailler ces mégalithes énormes, les transporter sur de longues distances en mobilisant des groupes d’individus importants et puis les ériger. Follett expose une société où les femmes occupent une place importante, que ce soit dans la transmission des savoirs où dans la cohésion autour des visions et règles religieuses. Le choix du prénom du héros est-il aussi innocent ? Car Seth, est également un personnage de la genèse, le troisième fils d’Adam et Ève conçu après la mort d’Abel.
Une fois encore, Ken Follett livre une œuvre fascinante. Il tisse une fresque mêlant l’intime au monumental. Ce texte audacieux, fruit d’une documentation pléthorique, se lit avec une quasi addiction. Les 600 pages du roman défilent faisant fi du temps qui s’écoule, la lecture d’abord !
serge perraud
Ken Follett, Le Cercle des jours (Circle Of Days), traduit de l’anglais par Odile Demange, Christel Gaillard-Paris, Renaud Morin & Pierre Reignier, Robert Laffont, coll. Romans, septembre 2025, 616 p. – 25,90 €.