Julie Estève, Moro-sphinx
Julie Estève (ci-contre) apprécie les héroïnes qui n’en sont pas. Pour preuve, sa Lola n’a rien de la Lolita de Nabokov. Sans doute est-elle aussi émiettée qu’elle mais elle n’a plus l’excuse de la prime jeunesse pour s’en tirer. Et si, pour les deux, l’amour est autant un idéal qu ‘un échec, pour Lola à ne pas réussir on triomphe sans grâce. Ce qui n’empêche pas à ses aventures (nombreuses) de se poursuivre. D’autant que l’héroïne mi-nymphomane mais totalement vulnérable caresse le besoin de séduire.
L’amazone sans être zonarde est du côté des « barrières » plutôt que des quartiers chics côté choix amoureux. Son parcours à tout de celle d’une combattante en dépression. Elle la soigne par le sexe. C’est sa drogue, son addiction Manière de brider l’angoisse et d’éviter d’aller dans le mur même si sa façon d’aimer reste la parfaite manière de s’y précipiter. Néanmoins, au bout il y a la perte de conscience ou l’oubli.
L‘existence de l’héroïne avance de manière tout compte fait moins érotique que machiniste. Tout se mélange : éros et thanatos, beauté et laideur, réalité et fiction. Ce qui n’empêche pas Lola d’espérer le meilleur tout en cultivant le pire. Là son romantisme. Ou ce qui en tient lieu. Si bien que le sexe devient à l’amour ce que la pipe est au fumeur lorsqu’il n’avale pas la fumée. Est-ce une consolation ? Ou est-ce une supplique ? En tout état, l’héroïne reste une bergère avenante. Elle accueille des élus qui ne sont pas forcément présidentiables. Manière d’éponger les fins de moi difficiles et de supporter le monde tel qu’il va.
Est-ce pour elle la bonne stratégie pour atteindre le sacré de l’amour ? Certainement pas. L’aimante cherche ses émois mais fabrique sa solitude. Manière pour l’auteure, et sans en en faire des tonnes, d’exorciser en elle la romantique. Par sa fiction, elle fait un sort autant à l idéal qu’au fiasco qu’il implique lorsque, pour l’atteindre, le chemin choisi est celui d’un enfer pavé de bonnes intentions mais aux actions ratées.
Dans le prochain roman de l’auteure, le lecteur souhaite pour la vie de Lola non une suite mais une résurrection.
jean-paul gavard-perret
Julie Estève, Moro-sphinx, Julie Estève, Stock, 2017, 184 p. – 18,00 €.
