Jiří Weil, Vivre avec une étoile

Jiří Weil, Vivre avec une étoile

Dans une ville sans nom, dans un pays inconnu, Josef Rubíček vit dans la mansarde d’une maison délabrée où les murs dégouttent d’humidité. Pour se chauffer et cuisiner, il n’a qu’un petit poêle rond, fêlé, qui dégage peu de chaleur. Pour se nourrir, il n’a accès qu’à des ersatz de saucisse, des feuilles et du faux café. Il était un modeste employé de banque avant qu’Ils arrivent. Depuis, il s’isole, brûlant peu à peu ses meubles, tout ce qu’il a sous la main. Il ne lui reste qu’un sac de couchage et un matelas.
Il subsiste difficilement avec un travail dans un cimetière. Il vit avec le souvenir de Růžena, l’épouse d’un ami, l’amour de sa vie, un amour semble-t-il partagé. Il se remémore les moments de complicité, les joies vécues, lui parle, demande son avis.

Et c’est le récit des jours sans fin, des privations, de la peur, de l’angoisse face à l’inconnu. Ce sont les interdictions multiples, les convocations, les interrogatoires interminables pour instruire des dossiers. C’est l’anxiété d’être convoqué pour le Cirque, pour ces convois vers l’Est. C’est le quotidien d’un homme démuni, confronté à une condition qu’il ne comprend pas. Il fait face à des entités, des dieux qui ont tout pouvoir. D’ailleurs, l’auteur place systématiquement des majuscules quand il les évoque, les appelant Ils, donnant des majuscules à leur actions, à leurs décisions. Il doit porter l’étoile jaune, Ils ne lui laissent pas le choix. Et celle-ci complique encore une vie déjà bien pénible.
Il garde quelques relations épisodiques, mais celle qui lui apporte le plus de réconfort est celle de Thomas, un chat errant qui a choisi sa mansarde comme point d’attache. Le romancier, avec son héros, aborde la question de la possession matérielle. Faut-il être entouré de biens palpables, garder ou aller plus léger? Ce sont les descriptions de ces sacs de cinquante kilos que les gens prennent lorsqu’ils sont convoqués, alors que lui ne veut rien Leur laisser.

Parallèlement, les Éditions 10/18 font paraître, du même auteur, Mendelssohn est sur le toit, un récit où le sarcasme le dispute à la tragédie.
Avec Josef, Jiri Weil raconte ce qu’il a vécu lors de l’envahissement de la Tchécoslovaquie par les armées nazies, l’occupation de Prague. Il a dû disparaître en simulant un suicide. Il le fait avec un ton détaché, un recul pour décrire des situations bien rudes. C’est un homme qui a eu une existence bien impitoyable. Communiste, à Moscou, il subit les purges staliniennes en 1935 et passe un an en rééducation au Kazakhstan.

Un récit qui interpelle par son contenu, mais aussi par le détachement avec lequel cet effacement est décrit.

serge perraud

Jiří Weil, Vivre avec une étoile (Žívot s hvězdou) traduit du tchèque par Xavier Galmiche, Éditions 10/18 n° 2764, coll. « Littérature contemporaine », janvier 2025, 312 p. – 8,90 €.

Laisser un commentaire