Jephan de Villiers, Exposition personnelle
Souvent disséminées en pleine nature les oeuvres de Jephan de Villiers sont des pense-bêtes sous formes de totems emmaillotés où jouent dans un humour terrible les compulsions de vie et de mort. L’art devient avant tout un acte de puissance plus que de jouissance où le temps est arrêté au sein même d’éléments qui en disent sinon sa fragilité du moins son passage.
Plus question de trouver le moindre confort. Ce qui jaillit des œuvres semble provenir directement de la matière et non d’un discours sur le sujet. L’art redevient primitif et sourd. Donc puissant et mélancoliquement drôle en une forme d’entente tacite avec le végétal et le tellurique.
En ce sens, l’art « dévot » n’en aura jamais fini avec Jephan de Villiers. Il en devient le rival et le pourfendeur par l’instigation d’un ordre religieux renversé. L’artiste ne s’intéresse qu’à l’objet d’impiété, mettant à mal, par secousses, ceux qui vénèrent tout sacré. L’artiste pousse la brutalité et la trivialité de manière exacerbée et témoigne des assauts de la barbarie découverte par la propre barbarie de son langage plastique.
Ses totems ne sont donc que des amères odalisques au front ceint de sorte d’amanites « obscènes » moins mortelles que vitales.
Nous sommes non invités mais jetés face à l’oeuvre comme s’il fallait préférer la douleur du crépuscule à la splendeur du jour. Apparaissent une nécessaire rouerie et l’indispensable affront à l’art afin qu’il renaisse. Les totems surgissent pour rendre dérisoire tout grand soir, tout futur épiphanique.
Les ordres des repères des corps constitués sont rompus pour nous rappeler de manière oblique le peu que nous sommes. Certes, l’être germe encore mais qui sait si les nouveaux Moïse seront sauvés ?
jean-paul gavard-perret
Jephan de Villiers, Exposition personnelle, Galerie Grand’Rue, Poitiers, du 29 septembre au 5 novembre 2016.
