Jean-Pierre Burgart, L’Image invisible
Pour Jean-Noël Burgart, la poésie est « Ce lieu où se côtoient et se séparent transparence et reflet, l’image et ce dont elle est image ». Toutefois, le poète ajoute : « mais pour désigner le pli qui les relie et les oppose, je n’ai pas d’autre mot que je. » C’est donc lui qui va tant que faire se peut dans les poèmes en prose de L’Image invisible par-delà la perte et l’absence.
Les textes traversent le réel : néanmoins, les mots ont leur limite : les choses, tout en étant présentes, semblent disparaître même si le poète leur accorde un supplément de rêve. Nommer instaure une figuration partielle où tout continue de flotter. La solidité n’est jamais dans le rempart des livres même si c’est bien la tentative de toute oeuvre de donner consistance à ce qui n’en n’a pas tout comme d’ailleurs à l’apparente solidité des choses.
Le poème ne peut donc qu’ouvrir des béances, là où l’inconscient se mettrait enfin à suinter dans une telle recouvrance et une mise de fond d’un présent « gnomique ». Toutefois, il n’existe nulle assurance dans la couleur noire des signes. Ils ne peuvent suggérer une réalité qu’à distance puisqu’il s’agit d’imager par les mots ce qui ne peut se concevoir que de manière inadéquate.
Il faut se contenter de ce peu dans la mesure où il ébranle certaines certitudes acquises. C’est le leçon des grands poètes que Burgart reprend à sa « main » afin que jaillissent quelques apparences « dans le jeu merveilleux de ses mirages, où je me vois vivre et passer, la vie de tous les jours qu’on voudrait ne jamais quitter ». Chaque poème en émet l’autre versant « dans le grisé du verre, le gris lumière qui enrobe les couleurs insaisissables de la nature » et de l’être tout autant.
jean-paul gavard-perret
Jean-Pierre Burgart, L’Image invisible, éditions l’une & l’autre, 2019, 86 p. – 14,50 €.
