Javier Santiso, Un pas de deux
L’auto-narratrice du livre (elle est aussi son héroïne) n’est pas n’importe qui : il s’agit de Jo l’épouse du Hopper.
Celui-ci la relégua au rang de marionnette et de femme à tout faire au service de son maître jusqu’à sacrifier pour lui sa propre oeuvre : « Parfois, je rêve, je me vois donnant des coups de pinceau, le sang me monte aux yeux, je reprends du poil de la bête. (…) Je suis alors aux anges, au milieu des tubes, je patauge au milieu des flaques de couleurs, et l’homme qui est à côté sans y être ne devient plus qu’un lointain souvenir, un feu follet, un crissement sur le grain de la toile. »
Javier Santiso donne ainsi la parole à celle pour qui il ne resta qu’une résignation et un sacrifice consentis. Sous l’égide de l’auteur, Jo dit tout de ce qui lui a coûté « tant d’efforts, de foirades et de trouvailles ». Elle ose dire les colères, les humeurs froides voire « arctiques » de son mari.
Elle ne put peindre qu’en cachette pour grapiller quelques instants de répit. Ils lui permirent de continuer de créer tant que faire se pouvait afin de respirer un peu.
L’ensemble de ce constat trouve une force puissante et qui semble juste tant l’auteur a su créer une transsubstantiation entre lui et son « modèle ».
jean-paul gavard-perret
Javier Santiso, Un pas de deux, Gallimard, collection Blanche, Paris, mars 2023, 238 p. – 20,00 €.
