Gilles Ortlieb, Cabotages

Gilles Ortlieb, Cabotages

Fronts tiers

« Je vis depuis lors avec (et quelquefois dans) cet arrière-pays, qui a ses saisons comme le pays réel, où certains faubourgs sont plus ingrats que d’autres mais qui a aussi ses avenues de bord de mer ». Ortlieb a saisi terrains vagues, ruelles en lacis, une contrée inconnue proche de la très vieille histoire comme du quotidien « à désengourdir ou désincarcérer pour tâcher d’en court-circuiter, passagèrement au moins, la banalité. »

Sorte de journal intime ce livre mêle le singulier comme une béquille abandonnée dans un escalier du métro, la signalétique des rues parisiennes, un dimanche brumeux. Mais est-ce la seule manière de s’approcher de l’art ? Est-ce le seul moyen de franchir le pont suspendu au dessus du vide entre le réel et sa représentation ?
Toujours est-il qu’Ortlieb n’a cesser d’infiltrer la surface. Soudain, celle-ci n’est plus droite comme un i au moment où l’auteur ne se veut plus ilote rêvant de devenir idole sous prétexte de figer et fixer la surface comme une parcelle d’éternité.

Il ne s’agit plus seulement de la  tendre mais de la faire pendre afin de mettre sur la rétine du postiche. La surface n’est donc plus l’infirmière impeccable de nos identités. Elle se distend comme une peau usée pour nous travailler là où notre imagination morte peut imaginer encore, face à ce qui est montré comme proche mais étranger.
Ce qu’on appelle la “ toile ” fait remonter ou descendre des formes flottantes en une manière de suggérer le corps : le corps exsangue, absent, à la dérive.

jean-paul gavarrd-perret

Gilles Ortlieb, Cabotages, illustrations de Denis Martin, Fata Morgana, Fontfroide le haut, 2024, 96 p. – 21,00 €.

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