Georges Mathieu,Les années 60-70 (exposition)

Georges Mathieu,Les années 60-70 (exposition)

Tribute to Georges Mathieu

Georges Mathieu – comme Bernard Buffet – a été victime de sa propre mode. Les deux artistes connurent les honneurs délirants des médias qui commençaient en France le culte des idoles. Les peintres s’y laissèrent prendre jusqu’à se brûler les ailes d’autant que la critique officielle leur fit un sort.
Buffet ne se remit pas de l’achat d’une Rolls-Royce et Georges Mathieu fut accusé d’une part de jouer d’une image royale qui n’était qu’un plagiat des mises en scènes à la Dali (maître en matière de farce – ce qui n’enlève rien à son travail) et d’autre part de limiter son abstractionnisme à du sous Hartung – ce qui n’était que l’effet d’une myopie critique.

Certes, Georges Mathieu créa un graphisme pictural qui n’allait pas dans le sens des modes de l’époque. Au moment où – à travers Support Surface d’un côté, le Pop Art de l’autre – et pour ne citer qu’eux -, les système de re-présentation étaient remis en cause, Mathieu inscrivait une page « hors de propos ».
Le retour amont que propose l’exposition chez Templon permet de remettre les montres à l’heure et prouve combien Mathieu se pliait à une exigence à la fois intérieure et esthétique qui offrait – par le jeu des couleurs, des coulures et d’une « scripturographie  » – une voie originale. Peintre gestuel à part entière, il créa une forme d’harmoniques violentes. Elles se bâtissent dans l’espace dont le créateur s’empara avec superbe et insolence.

Existent là un geste et un regard. Tout s’agite là où la peinture se fait et « s’indécide » dans un univers qui peut renvoyer à la musique : autant des symphonies de Mahler et de Wagner que de Charlie Parker. Dans des lignes de front, Mathieu reniflait le ciel. Et c’est la distance entre la lumière et l’objet de la peinture qui décidait des courbes, des couleurs. Des blancs aussi.
D’où l’étrange mystère d’une œuvre qui n’a rien d’exotique mais d’ici-même là où le peintre menace Monk lui-même dans la chair pratiquement sonore de sa peinture. Elle se détache du support, vole au soleil sa distance comme Rimbaud s’il avait été de notre temps aurait avalé toute la chair de Thelonious et de Miles. Chez Mathieu – comme pour le poète ou les musiciens la voyelle et la note – la peinture est souvent nue.

jean-paul gavard-perret

Georges Mathieu, Les années 60-70, Templon II, Paris, du 8 septembre au 20 octobre 2018.

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