Éric Dubois, Nul ne sait l’ampleur

Éric Dubois, Nul ne sait l’ampleur

Le mot « angle » m’est venu en refermant le petit recueil, en volume, qu’Éric Dubois a fait paraître au premier trimestre de l’année dernière. Je précise que j’ai toujours apprécié l’écriture du poète de Joinville. Angle, donc, car le poème déconstruit et construit, à la façon des ruines architecturales, qui produisent et détruisent, collent ou séparent.

Ici, je comprends l’angle comme quelque chose qui unit et défait, comme si la voix du poète pouvait agrandir son chant au sein de différentes petites silhouettes, tout en conservant un mystère, faisant fi des constructions appliquées ou des redites, toujours nouveau à chaque ligne de bris, et qui arrive à bâtir un poème définitif et sûr, dans l’absence d’hésitation. Poésie qui sauve de la mort, qui sauve de la destruction.

Je ne sais plus
des soleils identiques des souvenirs fragiles comme
des parfums de fleurs
dans la Provence Occitane
des mots impuissants à dire
dans les bruits des forêts primaires
avec qui et pour quoi
dans l’essence de l’Être
les mille baisers des arbres
et le tourment des rivières asséchées

Voilà une esthétique du saut, du bon, du parcours de la connaissance, plutôt que du saut d’une connaissance à l’autre. C’est donc rythmique, mouvementé, tremblant. Chaque poème, un saut ; chaque vers, une expérience. Un style où l’on devine l’être. Par exemple dans l’emploi d’une ponctuation très rare, qui permet une lecture diverse et chantante, une mélodie sans discontinuité, quelque chose comme la mélodie française en termes de musique.

(…) entre des silences
coupants
comme des couteaux

Nous sommes, je crois, tel le personnage de Caspar David Friedrich qui contemple une mer de nuages. C’est-à-dire, en surplomb de la personne d’Éric Dubois qui, dans son poème, rarifie l’imprécision pour permettre à la poésie de venir à lui, et à nous, comme un océan de particules d’eau – comme lorsque l’on traverse un nuage en marchant en altitude.
Nul ne sait l’ampleur en définitive de ce difficile travail, qui paraît simple, et qui nous convie à travers 29 poèmes, à un univers bizarrement sans fracas, au poème qui cherche l’absolu. Ainsi, une écriture dense et impatiente.

Éric Dubois , Nul ne sait l’ampleur, éd. Unicité, 2024, 46 p. – 12,00 €.

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