Eli Lotar(1905 – 1969) (exposition)

Eli Lotar(1905 – 1969) (exposition)

Révision des poncifs

Acteur majeur de La Nouvelle Vision et de la modernité photographique à la fois esthétique et politique, Eli Lotar est devenu un maître du cinéma documentaire et de la photographie des paysages urbains, industriels, ses portraits se caractérisant par des prises spécifiques et rapprochées. Il est arrivé de Roumanie en France en 1924, ami de Germaine Krull qui lui apprend son métier et très vite des surréalistes : il devient très vite l’un des tous premiers photographes de l’avant-garde parisienne et il publie dans Vu, Jazz, Arts et métiers graphiques puis participe à de nombreuses expositions internationales engagées.
Il travaille ensuite avec de nombreux écrivains (Jacques, Antonin Artaud, Roger Vitrac) et des réalisateurs (Joris Ivens, Luis Buñuel) intéressés par le contexte politique et social de l’époque. Sa reconnaissance au sein des avant-gardes fut tardive. C’est seulement au début des années 1990 qu’une première rétrospective lui est consacrée au Centre Pompidou. Mais peu à peu l’artiste est replacé à sa juste place.

L’exposition organisée en 5 sections thématiques rassemble plus de cent tirages originaux et de nombreux documents (livres, revues, lettres, négatifs, films). Les sections Nouvelle Vision et Déambulations urbaines ramènent au début du périple de l’artiste. La troisième section est consacrée aux œuvres socialement engagées (Abattoirs, 1929) et à sa collaboration à Terre sans pain – seul film documentaire de Luis Buñuel qui illustre les conditions de vie déplorables de la région isolée et aride des Hurdes. Les deux dernières sections de l’exposition proposent les rencontres littéraires du créateur, ses voyages ainsi que des poses loufoques des personnages du théâtre Alfred Jarry,  d’Antonin Artaud et sa collaboration avec Alberto Giacometti dont Lotar sera le dernier modèle.

Jamais insolent et animé d’un grand sens des responsabilités de tout artiste, Lotar developpe une vision qui dépasse largement le périmètre du surréalisme et son esthétique rappelle parfois des avancées futuristes (présence des machines par exemple). Jamais démagogue, il ne cherche pas à exploiter la misère et son travail reste un incessant appel à la liberté. Refusant tout académisme ou esprit d’école, l’artiste fait toujours preuve d’inventivité pour souligner les frises latentes et les tensions auxquelles est soumise l’Europe de l’entre deux guerres, indépendamment de tout engagement politique précisément fléché.
Les slogans tapageurs n’étaient pas de son fait. Mais il prouve combien son travail devancent ceux de « concurrents » qui n’ont été que les marionnettistes des images. Les polyphonies visuelles de Lotar ont voulu faire entendre selon diverses tonalités les bruits d’un monde en chaos et bouleversements sans user de raccourcis ou d’images – « mots » d’ordre. D’où la nécessité de redécouvrir son œuvre.

jean-paul gavard-perret

Eli Lotar (1905 – 1969), Musée du Jeu de Paume et Centre Pompidou, Paris, du 14 février au 28 mai 2017.

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