Clarisse Gorokhoff, De la bombe
Clarisse Gorokhoff a le mérite d’écrire sans ronds de jambe même si celles de son héroïne sont appétissantes. Et elle sait s’en servir. Pour courir et faire courir les hommes. Certains sont faciles. D’autres moins. C’est pourquoi l’héroïne fait tout afin de vamper son amant de cœur qui la traite pour le moins de manière cavalière. Est-ce pour lui qu’elle a posé une bombe ? Le doute est permis. Toujours est-il que suite à son attentat elle doit se cacher et fuir. Là encore, la raison de la fuite est complexe… Mais sur les bords de la mer Egée tout est possible. Et pas forcément le pire. La route romanesque est semée d’embûches mais elle ne manque pas d’épisodes burlesques. Certes, nous ne sommes pas dans un monde des fées. La violence est là. Et l’auteure qui vécut plus de cinq ans à Istanbul la connaît. Elle y a fait ses classes et a même créé une foire d’art contemporain.
L’écriture sait faire le lien entre les paradoxes et les oppositions entre la trivialité et l’émotion. Clarisse Gorokhoff sait qu’à force d’associer le chaos à l’instabilité émane certes la barbarie mais que celle-ci ne peut imposer son ordre à qui, comme l’héroïne de son livre, sait faire preuve d’agilité au mitan de ses doutes et de ses ambiguïtés.
Face à l’arbitraire collectif ou individuel, l’auteure donne paradoxalement une forme d’espoir dans des lieux pourtant mouvementés. A l’enthousiasme trépidant à voir le califat se rétablir, répond celui d’une femme qui sait parfois faire preuve de dextérité et de patience au sein de ce qui pourrait la faire passer pour une écervelée. D’une certaine façon, tout est possible. Car le tout n’est pas la mort mais l’existence. Il suffit comme l’héroïne de faire preuve d’obstination afin de reconfigurer une identité, éradiquer un certain passé voire un certain présent pour que le futur soit une réalité. L’héroïne peut sembler en devenir « chèvre » mais sa logique – quoique floue – tient.
jean-paul gavard-perret
Clarisse Gorokhoff, De la bombe, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2017
One thought on “Clarisse Gorokhoff, De la bombe”