Claire Boitel, Objets de la Demoiselle & Vitamines noires

Claire Boitel, Objets de la Demoiselle & Vitamines noires

Phasme noir

Poétesse et romancière, Claire Boitel se fait l’exploratrice des mondes obscurs de la psyché qu’elle sait pleins de pièges et de chausse-trappes.
Raison de plus pour s’y atteler avec elle, non sans plaisir. Et courage au besoin.

Il n’est donc pas surprenant que les Editions Rafael de Surtis aient été séduits par l’initiation sensuelle d’un livre qui prolonge Objets de la Demoiselle.
Sous la peau de la réalité se structure un univers où le voyeur est transporté en diverses diagonales parfois inattendues.

Des histoires de conscience et surtout d’inconscient nous rattrapent dans un monde de lumières et d’ombres et un mixage de confusions.
C’est du grand art des abymes et abysses en cette topographie intempestive de l’inconscient là où l’héroïne (double de l’auteure) avance dans ses désirs et nécessaires dérives.

Par une poésie syncopée puis dans une prose ample, la chair et la pensée féminines prennent une dimension de métamorphoses là où le désir n’est plus remixé par l’homme.
Une femme abat ses cartes sans soucis des postures. Elle devient sa propre et nécessaire « noire soeur ».

Claire Boitel poursuit ainsi une création poétique et fictionnelle loin des sentiers battus. Loin aussi des dogmatismes et ce, jusqu’à une remise en cause des images votives pour recréer du légendaire à sa main. Il devient mi-figue mi-prune de Cythère.
Tout se met à fonctionner entre un abîme et un éther. D’où ce mouvement du suspens que l’auteure ne cesse d’aiguiser pour atteindre l’inconscient.

La femme devient s propre clef des songes les plus fous. A travers elle, le lecteur voyeur franchit des frontières là où les corps pratiquent au besoin le silence dans la Géhenne comme dans le plaisir. Si bien que Claire Boitel devient la mercière d’opérations du corps et de l’esprit.
Elle nettoie les objets de rituel littéraire, fait avaler si cela est nécessaire aux prêtresses quelque pilule du lendemain. Elles chantent soudain entre frasques, drames et blasphèmes.

D’une certaine manière, une forme de bamboche bat son train. A l’aube, les femmes sont moins canaris marris et jaunes battant de l’aile que des Marie-Madeleine sensibles au vol de leurs fantasmes. De tels phasmes noirs – par l’interstice de leurs manteaux de visions – ne cachent en rien ce qu’on ne saurait voir.
Par la fente d’une telle écriture, la lumière de lune tue la nuit.

lire notre entretien avec l’auteure

jean-paul gavard-perret

Claire Boitel,
– Objets de la Demoiselle
, Librairie-Galerie Racine, Paris, 2019,
Vitamines noires, Rafael de Surtis, Cordes, 2020.

Laisser un commentaire