Cendrine Genin, Rendez-vous

Cendrine Genin, Rendez-vous

La maison de rendez-vous

Cendrine Genin nous invite à visiter les pièces d’une demeure qui n’existe pas ou qui existe trop. Entre le diurne et le nocturne se lisent des moments et lieux poétiques-énigmatiques où le regardeur peut installer ce qu’il porte en lui. Chaque « objet » épars, disjoint lui parle au sein de neuf étapes. Il fait noir au milieu de la lumière. Mais l’inverse est vrai aussi. Les choses s’ouvrent et se referment aussitôt dans la poésie du temps et de l’espace. Celui-ci devient chirurgical quant à sa précision de vue et il permet de toucher ce qui échappe en des « masses » fermées et ouvertes avec pudeur.
La présence échappe à la crispation : existe un abandon programmé dans un rituel de limbe et de silence. Tout est traité physiquement, de manière atypiquement charnelle. Existe une bascule dans la solitude qui nous fait. Demeure la présence de « preuves » existentielles en un temps « pur » tel qu’il pèse sur nous. La photographe y opère un renversement radical dans la mesure où ce qui est comestible à la vue et symbolise la vie se mue en représentation de ce qui va disparaître.

L’inscription de la corporéité prend un aspect particulier et poétique. Il s’agit d’un prolongement d’un lieu d’avantage que d’une équivalence. La demeure devient un point aveugle et inaccessible. Le regardeur ne fait que tourner autour de lui là où la saisie devient autant de front que périphérique. Le livre se construit comme un effluve, une trace, et un prolongement de ce qui bouge dans le dedans insaisissable.
D’où le transfert de sens qui s’opère là où la photographie permet de figurer en creux l’innommable comme matière singulière (des images et non de la chair), il force le voyeur à se retourner et le renvoie à sa propre angoisse, en construisant un memento mori, qui en appelle moins à l’intellect qu’à la sensation vive.

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jean-paul gavard-perret

Cendrine Genin, Rendez-vous, Editions Corridor Elephant, Paris, 2017.

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