Catherine Andrieu, Parce que j’ai peint mes vitres en noir
Scripturographie existentielle
Catherine Andrieu à la fois exacerbe et renverse les données du processus libidinal qu’elle induit et provoque. Est-ce, comme l’écrivit Yourcenar, parce que « Les Français ont stylisé l’amour, ils y ont cru et se sont obligé de le vivre. Ils l’auraient vécu différemment s’ils n’avaient pas toute cette littérature derrière eux » ?
Ce n’est sans doute pas le cas pour celle qui attrape le désir par l’échine en hommage à un certain surréalisme.
Si chez une telle auteure la liberté est plus imaginaire que réelle, ici Eurydice, n’oser se mouiller en rameutant ce qui lui est arrivé et qui l’a conduite vers l’ouverture en rameutant son lyrisme si particulier. Elle devient mer, terre, étoile et mouette à la portée du cliquetis des mats percussionnistes de ses diverses amours.
Un « temps » paradoxal émane de ses poèmes – qui épouse celui de l’auteure en des surfaces faites d’aveux. Cela fait penser, sur le plan de l’effet de vision, à la fameuse anecdote sur Giotto. Jeune élève de Cimabue, il peignit de manière si frappante une mouche sur le nez d’une figure commencée par son maître, que celui-ci, en se remettant au travail, essaya plusieurs fois de la chasser avec la main avant de s’apercevoir de sa méprise…
A sa manière, Catherine Andrieu est une Giotto « scripturographe » des émois amoureux, quelle qu’en soit la nature.
jean-paul gavard-perret
Catherine Andrieu, Parce que j’ai peint mes vitres en noir, Editions Rafaël de Surtis, Cordes sur ciel, 2020, 56 p. – 15,00 €.