Anne-Marie Jeanjean & Shanshan Sun,YU XUANJI – dans le souffle du sabre

Anne-Marie Jeanjean & Shanshan Sun,YU XUANJI – dans le souffle du sabre

Femme obligée (de cacher sa poésie)

La poétesse chinoise Yu Xuanji est aux prémices ( lors du 9ème siècle de notre ère) de la poésie de son pays. Mais son statut de femme a minoré son importance et elle demeure un personnage mystérieux. Elle fut citée ça et là de manière parcimonieuse. C’est pour mettre en exergue son génie méconnu que Anne-Marie Jeanjean et Shanshan Sun ont fait paraître ce livre.
Le second a dû se replonger dans les volumes de la dynastie des Tang (Age d’or de l’histoire de la Chine) pour retrouver les textes de celle qui a su et pu vivre en parfaite liberté en dépit des règles de l’époque.

La poésie était déjà au temps de Yu Xuanji très diffusée dans le pays, et elle en respecta les codes tout en abordant des thèmes peu traités ou considérées comme mineurs (dont la vie quotidienne en premier chef). Toujours méconnues dans son pays, ses poésies sont publiées ici en version bilingue en totalité pour qu’elles retrouvent treize siècles après leur écriture une juste place.
Dans les deux formes fixes de la poésie de l’époque, rappelle A-M Jeanjean, « l’accès résonant tient à la fois dans l’exactitude du vocable et la réalisation d’une écriture « juste ». La forme n’est jamais cachée par l’idée et la première libère la seconde. Se crée un atelier du réel venant secouer les règles et leur inertie. Un espace de formation s’ouvre là où chaque poème s’écarte d’une formule dictée par un programme répétitif qui ne cessait de nourrir les flux verbaux courants.

Ici, celle qui se dit « Oisive et dégagée de tout », voyage dans les paysages et ceux qui les peuplent, qu’ils soient ermites ou mariniers avant de s’installer dans un lit parmi ses livres et avant de sa baigner la tête dans le fleuve qui « embrasse le ville penchée de Wuchang » et sur sa longue plage aux perroquets. Ici, la poésie advient comme sa propre « infinition » (A-M Jeanjean)  dans une tension entre le précieux et le vernaculaire mais aussi dans leur union sacrée.

Une telle pionnière n’est pas sans rappeler, quoique plus proche de nous, une Louise Labbé. ,Chez la Chinoise comme chez elle le chant s’expose à la sobriété comme à l’intensité  en une « adresse » à des êtres  différenciés mais qui peuvent tous y trouver une « vérité ».

jean-paul gavard-perret

Anne-Marie Jeanjean, Shanshan Sun, YU XUANJI – dans le souffle du sabre, L’Harmattan, coll. Levée d’Ancre, Paris, 2023, 156 p.- 15,00 €.

One thought on “Anne-Marie Jeanjean & Shanshan Sun,YU XUANJI – dans le souffle du sabre

Laisser un commentaire