Alma Katsu, Hurlements

Alma Katsu, Hurlements

Quand tout concoure au drame

Alma Katsu appuie son récit horrifique sur l’histoire authentique connue sous le nom de l’expédition Donner. Le drame s’est déroulé entre 1846 et 1847. Sur les 87 pionniers partis, seuls 47 seront secourus.

En avril 1847, un groupe de sauveteurs est à la recherche de survivants réfugiés dans une cabane abandonnée. Et ce qu’ils découvrent aux alentours et à l’intérieur…
C’est en juin 1846 que Charles Stanton est approché par Edwin Bryant. Tous deux célibataires font partie d’une caravane en route pour la Californie. Stanton et ses compagnons, essentiellement les familles Donner et Reed, sont partis de l’Illinois. Ils ont rejoint à Independence, un convoi plus important mené par un ancien militaire William Russel. Pour l’heure, après six semaines de voyage, ils sont dans une zone où la sècheresse est installée. Bryant estime que la caravane progresse trop lentement, il y a plusieurs raisons à cela, et il veut la quitter, souhaitant entraîner Stanton.
Tamsen Donner est une très jolie femme mais son passé impacte encore un présent qu’elle n’a pas désiré. C’est un mariage de raison avec George Donner. Elle est contre le projet d’une installation en Californie et déteste la famille de son époux. Mary Graves est une jeune fille au sein d’une famille nombreuse. Sensible, elle entend des bruits étranges la nuit.
Des incidents ont émaillé la progression, mais quand un gamin disparu est retrouvé dix kilomètres plus loin, le corps entièrement disséqué mais la tête épargnée, l’ambiance s’alourdit.
Le choix de la plus mauvaise route ne va pas arranger les choses. Les événements naturels et mystérieux font basculer le convoi dans l’angoisse…

La romancière instille très vite des événements authentiques et une atmosphère de défiante, nourrie de croyances et de faits étranges. Le convoi est susceptible de croiser des loups, des ours. Les tribus indiennes ne sont pas toutes satisfaites de voir leurs territoires grignotés et le font savoir souvent de manière musclée. Certains membres de l’expédition ont le sentiment d’être épiées, observés constamment par des entités insaisissables mais malfaisantes comme ces murmures qu’ils perçoivent sur leur passage mais dont la source reste introuvable malgré leurs recherches.
Le climat se mêle à la fête avec une sécheresse qui ne va pas permettre de nourrir correctement les bêtes, les bœufs qui tractent les chariots. À l’intérieur des dissensions, des ambitions se font jour. Des choix stratégiques inadaptés, des tromperies faites sciemment. Des matériels inadaptés, des chariots trop volumineux suscitent des conflits. Tout concoure à mettre l’expédition dans une situation difficile voire dramatique. Et la romancière installe, pour faire de son récit un drame effrayant, une menace sournoise.

L’auteure fait revivre une belle galerie de personnages. Certains ne sont pas là de leur plein gré, d’autres ont abandonné derrière eux un passé particulièrement lourd. Elle anime de belle manière sa troupe de colons, dressant des portraits très justes et leur faisant tenir des propos appropriés, tout à fait en adéquation avec les situations où ils se trouvent plongés.
Une écriture incisive, un style tonique et un rythme narratif soutenu renforcent l’intensité du roman.

Avec Hurlements, Alma Katsu conjugue de belle manière une histoire authentique déjà effroyable avec une dimension qui ressort de l’horreur pour un récit magnifique mené.

serge perraud

Alma Katsu, Hurlements (The Hunger) traduit de l’anglais (États-Unis) par Nadège Dulot, Sonatine, septembre 2024, 416 p. – 23,00 €.

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