Christian Viguié prend par revers la conscience qui n’aime pas l’invisible. Il le dissout dans ses aires poétiques par jeux de réminiscences sans pour autant s’appuyer de manière compulsive sur des modèles du passé.
Seul le sien revient en brume et, dit la créatrice, « en chaussons de poussière ». Mais ce qui pourrait dévaler en impudeur est retenu en équilibre et langue de givre. L’inconscient ici, ce n’est pas du tout l’affaire de souvenirs ou même de fantasmes mais, par lui comme par le regard, “le nom d’une étoile, le nom d’une montagne”. Ce qui permet de comprendre “celui qui va d’un parfum à un autre”. Preuve aussi qu’il existe “le nom de la vitre / comme pour cet arbre / dont les feuilles / se mettent à trembler”.
En dépit de sa volonté poétique majeure de structurer sa matière, Viguié ne cherche pas à mettre d’ordre : il entre dans l’intouchable. Son langage est chargé de langueur, de faille et de présence. Surgissent des “tableaux” travaillés en des zones inconnues des rives qui d’ordinaire ne se laissent pas atteindre.
L’auteur fait en conséquence pénétrer des contrées incertaines qui précèdent tout rêve dans l’action. A coups d’impressions, d’esquisses, de structures l’œuvre va vers un espace-temps particulier. Il y a des trajets et des contre-trajets. Il y a des histoires solides et fluctuantes, furtives et évidentes.
jean-paul gavard-perret
Christian Viguié, Comme une lune noire sur ma table, La table Ronde, Paris, 2024, 176 p. — 17,00 €.