Des morceaux crus d’existence
Christina Mirjol est romancière et auteure de théâtre reconnue dès sa première fiction Suzanne ou le récit de la honte parue au Mercure de France. Quant à son récit Les cris, il a fait l’objet de plusieurs mises en scènes théâtrales d’autant que l’oralité est au centre d’une telle oeuvre et de son écriture.
Ce nouveau livre fait suite à un premier texte de quatre-vingt-dix-neuf fragments numérotés. Il offre une adjonction d’une centaine de textes aux précédents fragments. Existent donc désormais 199 “cris”, tous reconnaissables par leur provenance. Comme l’écrit l’auteur, “ils ressemblent à ceux que nous pouvons entendre à deux pas de chez nous, dans la rue, ou dans les profondeurs de notre imaginaire : le boucher, le bûcheron, un flic, un juge,
un voisin sans histoire, deux collectionneurs, l’homme perdu”.
D’où ce défilé de sonorités plus ou moins confondantes. Et si personnages et propos semblent secondaires, n’en jaillissent que plus haut des morceaux crus d’existence. Tout est en place pour que de telles voix trouvent des incarnations sur une scène théâtrale. Reste à trouver les acteurs suffisamment géniaux pour interpréter chacun des dizaines de tels semblables et frères.
Et ce, là où toute l’interrogation repose sur l’étrangeté d’être plus ou moins conscient de le rester. Le concept d” ‘indivuité” créé par Sangral garde ici encore des frontières même si parfois elles sont floues. Cela, eu égard à la liberté comme à l’inverse à la contrainte qu’elle contient. Toutefois, celle-là ne peut plus se réduire à une simple individualisation ou à un enfermement égotique. Et elle prend une valeur générale.
jean-paul gavard-perret
Christina Mirjol, Les cris, nouvel inventaire, Douro, collection La Bleu-Turquin, Chaumont, décembre 2023, 336 p, — 21,50 €.