Le récit d’une lutte pour la liberté
Madeleine Riffaud raconte le quotidien de ces jeunes qui se battent clandestinement, un ensemble de faits, d’actes qui semblent peu glorieux mais qui structurent une volonté de luttes et amènent des agissements qui en enclenchent d’autres. Elle décrit par le menu ses rencontres avec des personnes ordinaires qui s’engagent et qui accomplissent des gestes qui permettent de continuer.
C’est cette vieille dame qui ayant caché Madeleine sous un gros édredon fait front au groupe de soldats allemands qui la recherche. Ce sont les héros du quotidien qui sont mis en valeur, à l’honneur. Ce ne sont pas les gueulards mais les taiseux, ceux qui s’activent plutôt que de jouer les tribuns de façon stérile.
En 1942, à Paris, une jeune fille de dix-huit ans reçoit sa première mission de résistante. Elle choisit Rainer pour nom de guerre, en hommage au poète Rainer Maria Rilke. Elle doit écrire un tract que l’imprimeur refuse. Pour lui, c’est un poème et il faut Vaincre et Vivre plutôt que Vaincre et Mourir. Alors, elle écrira ses textes sur les murs, à la craie.
Elle fait sa place dans le mouvement mais, pour l’heure, il faut convaincre, se procurer des armes et l’indispensable dans un pays dépouillé où le strict nécessaire manque. Lorsqu’un maillon du réseau est arrêté, il faut prévenir ceux qui sont en danger et leur demander de disparaître immédiatement.
Elle se retrouve chargée de recruter. C’est la débrouille pour réunir tout ce qui est nécessaire aux réseaux. Son boulot vital consiste à : “Barboter, faucher, carotter, dévaliser, soulager, délester, chaparder, chouraver.” Elle avoue qu’à la fin de la guerre elle aurait pu devenir une sacrée voleuse.
Et puis c’est le drame, l’arrestation, la torture…
On suit cette jeune femme au caractère volontaire, déterminée dans son engagement, son existence difficile, son audace pour mener au quotidien des actions qui peuvent sembler anodines mais sont aussi importantes que les actes héroïques. Elle émaille ses souvenirs de moments plus légers quand, par exemple, l’un d’eux reçoit un colis de pommes de terre, une gourmandise par rapport aux rutabagas et topinambours. Mais la vaisselle manque et elle désinfecte le bidet avec de l’alcool à brûler pour faire une purée.
L’auteur raconte cette période, sa vie et les séquelles subies car vivre dans un tel climat de danger n’est pas sans conséquences. Aujourd’hui encore, alors qu’elle va atteindre ses cent ans l’an prochain, elle possède tout le tonus nécessaire pour expliquer.
Dominique Bertail illustre de façon réaliste cette histoire dans l’Histoire. Il met en scène de façon adéquate le parcours hallucinant de cette jeune femme, les dangers côtoyés, les actions, la lutte contre l’occupant avec de biens faibles moyens. Il a mené pour ces planches un travail documentaire approfondi, que ce soit pour les objets du quotidien, les vêtements portés, les véhicules, les armes et le décor des actions.
Le choix de cette teinte à base de lavis bleu est judicieux pour rendre palpable l’atmosphère lourde, pesante, sous cette occupation.
Un second tome remarquable tant dans la présentation de cette lutte qui se développe que son organisation et ses acteurs. Ce sont des individus peu préparés, voire pas, à mener de telles actions, à initier de telles opérations. Madeleine était étudiante sage-femme.
serge perraud
Jean-David Morvan, Madeleine Riffaud (scénario) & Dominique Bertail (dessin et couleurs), Madeleine, Résistante : T.02 : L’édredon rouge, Dupuis, coll. “Aire Libre”, septembre 2023, 128 p. – 23,50 €.