Laurent Joffrin, Les enquêtes de Nicolas Le Floch — L’énigme du Code noir

Quand par­ti­sans et oppo­sants à l’esclavage…

Cette affaire débute ce dimanche 17 avril 1791 quand Bour­deau, com­mis­saire élu du Châ­te­let voit le cadavre mutilé du comte de Fleu­riau. Il pressent une affaire d’État et envoie une mis­sive à Nico­las Le Floch, aujourd’hui agent de Louis XVI, chargé de la pro­tec­tion de la famille royale. Mais il doit aussi parer aux intrigues de toutes sortes et retrouve Bour­deau dans un restaurant.

Le comte a été pendu, amputé d’un bras et d’une jambe. San­son, le bour­reau qui fait office de méde­cin légiste, ne sait pas déter­mi­ner si les ampu­ta­tions ont été faites ante ou post mor­tem. C’est parce que, chi­rur­gien de la marine, il a pra­ti­qué des dizaines d’amputations qu’ils se rendent chez Semac­gus. Mais c’est Awa, sa gou­ver­nante séné­ga­laise, qui remarque que cela res­semble aux châ­ti­ments infli­gés aux esclaves fugi­tifs selon les règles du Code noir.
Laure de Fitz-James, la maî­tresse de Nico­las, approche la vérité quand elle se sou­vient qu’à la cour le comte de Fleu­riau était appelé par son deuxième nom : du Grand Morne. Face à l’expression éba­hie de Nico­las, elle explique que c’est ainsi que sont dénom­mées les col­lines rocheuses aux îles du Vent. Il a une belle pro­priété sur ces terres.
Quand un second noble est retrouvé mort, ayant subi des sup­plices réser­vés aux esclaves, Nico­las va devoir trou­ver la clé de l’énigme car…

Le cli­mat poli­tique, social, quo­ti­dien est res­ti­tué avec soin servi avec une excel­lente ana­lyse. Laurent Jof­frin décrit la posi­tion dif­fi­cile de Louis XVI déjà, en quelque sorte, pri­son­nier aux Tui­le­ries depuis que la foule des femmes a ramené le 6 octobre 1789 la famille royale de Ver­sailles. La cour s’ennuie, le peuple excité par quelques meneurs est tou­jours prêt aux vio­lences.
L’enquête s’avère déli­cate dans un cadre poli­tique tendu. C’est la ques­tion de l’esclavage et sa contra­dic­tion entre la Décla­ra­tion des droits de l’homme et les impé­ra­tifs éco­no­miques de pro­duire, dans les ter­ri­toires d’Outre-mer, des récoltes d’un rap­port finan­cier indis­pen­sable. Le roman­cier se veut le plus hon­nête pos­sible, expo­sant les dif­fé­rents points de vue sur le sujet. Les uns veulent libé­rer ces esclaves. Les autres com­prennent que la main-d’œuvre man­quera et estiment qu’ils sont mieux trai­tés comme esclaves que dans leur Afrique d’origine où ils ont été ven­dus par leurs semblables..

Les cadres de l’intrigue, les façons de vivre de diverses couches sociales, les décors sont aussi par­fai­te­ment décrits comme Paris et ses rues où le par­fum de la fange et du crot­tin est habi­tuel. Mais le roman­cier mêle des sujets plus légers, enfin pas vrai­ment pour son héros qui se voit dans une posi­tion bien dif­fi­cile quand ses deux mai­tresses, Laure de Fitz-James et Aimée d’Arranet, se ren­contrent et com­prennent la situa­tion. Quel plai­sir de lec­ture avec la fré­quen­ta­tion de ce voca­bu­laire relevé qui illustre toute la richesse de la langue fran­çaise ! Bien sûr, les repas et la gas­tro­no­mie trouvent une bonne place dans cette histoire.

Ce second volet des Enquêtes de Nico­las Le Floch signé par Laurent Jof­frin se révèle enthou­sias­mant pour la teneur de l’intrigue, la qua­lité des ana­lyses et la façon de les exposer.

serge per­raud

Laurent Jof­frin, Les enquêtes de Nico­las Le Floch — L’énigme du Code noir, Édi­tions 10/18 n° 5 898, Coll. “Polar”, octobre 2023, 264 p. — 8,60 €.

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Filed under Chapeau bas, Pôle noir / Thriller

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