Mylène Vignon, Les belles canapéennes

Sur-vivance

Plas­ti­cienne, poé­tesse, Mylène Vignon a com­posé les col­lages et didas­ca­lies des belles Cana­péennes à la suite des confi­ne­ments. C’est là un récit magique d’images et de mots impré­gnés de songes, de rémi­nis­cences.
La créa­trice y réunit des corps éro­ti­sés mais leur dehors fait le jeu de diverses inti­mi­tés.
Le temps du Covid par sa latence a donc per­mis l’émergence de rêves éveillés, de sou­ve­nirs qui remontent dans le jeu de l’onirisme et du réel. D’autant qu’en connexion avec ses amies, l’artiste a nourri des sen­ti­ments par­ti­cu­liers faits– entre autres — de fra­grances sensuelles.

Existe ainsi un espace de “léthar­gie active” et de volupté là où Mylène et ses amies se sont aban­don­nées à oser deve­nir las­cives à dis­tance, dans le clair-obscur de sen­ti­ments troubles. Le tout dans une sorte d’entretien infini autant que pro­vi­soire.
Mais en dehors de l’eros jaillissent aussi des ques­tions autour de l’enfance, le rêve et la spi­ri­tua­lité. Et l’artiste de pré­ci­ser : “quelque chose s’est ouvert en moi, une autre approche de la lumière. J’ai laissé tom­ber le masque, mon regard a changé”. Si bien qu’en une époque où la mort frô­lait, remon­tèrent des rap­pels à la vie de disparu(e)s.

De plus, chaque texte court qui accom­pagne chaque col­lage en devient la clef à la fois pour la com­prendre mais aussi pour la com­plé­ter par la propre psy­ché du voyeur ou de la voyeuse.
Décou­pée ou déstruc­tu­rée, chaque image fait naître une nou­velle réa­lité, induit autant un texte (mais l’inverse est tout aussi vrai par­fois) et appelle une nou­velle image, le tout dans une avan­cée où les femmes s’incarnent dans d’autres pour vivre dif­fé­rents états.

D’où la vie qu’amène cet ensemble. Il existe même un homme (aimé ?) dans des femmes. Et ce livre devient une somp­tueuse offrande au dis­paru comme aux vivantes. L’érotisme reste doux, suave et ce cor­pus donne une sorte d’éternité à un éphé­mère sou­dain figé. Il devient aussi un appel  à l’imaginaire par une scé­no­gra­phique essen­tielle.
Appa­raissent limites, fron­tières, indices inter­sti­tiels ou encore des pas­sés empié­tés  que  cette ange et démone d’exception explore. Ce n’est pas là pour autant une fuite devant la pho­to­gra­phie : son démon­tage et remon­tage trans­gressent la sur­face comme anti­chambre de ce qui sou­vent demeure caché.

Ici, à l’inverse, tout reste luxe et volupté là où des femmes rebelles à leur manière, nues rêvent de bou­ger, à la fois las­cives et actives. Leur corps sortent des boîtes de Mylène Vignon : acces­soires, jambes, mor­ceaux de corps créent un sur­réa­lisme lan­guide de sur-vivance et des espaces de dépo­si­tions de traces et d’aveux.

lire notre entre­tien avec l’artiste

jean-paul gavard-perret

Mylène Vignon, Les belles cana­péennes, Edi­tion Area, non paginé, 2022 — 350,00 €.

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Beaux livres, Chapeau bas, Erotisme

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>