Un photographe trop discret : entretien avec Gabriele Calvisi

Les pho­to­gra­phies de Gabriele Cal­visi dans leur effet de sur­face traquent un inson­dable. Et cela crée un ravis­se­ment par­ti­cu­lier et même par­fois étrange sous cou­vert de sim­pli­cité.
C’est comme si un tran­chant était caressé. Existe alors non une angoisse : le tour­ment est ailleurs. Dans ce qui semble prêt à bou­ger en la fixité de chaque image. Existe de la sorte une alchi­mie du fugace. Pour tuer l’illusion par l’audace la plus dis­crète et pudique qui soit.

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait sor­tir du lit le matin ?
Le miau­le­ment de Dedda qui semble un appel irré­sis­tible à la vie comme la mélo­die d’un fado.

Qu’est-il arrivé à vos rêves d’enfance ?
Peut-être les ai-je oubliés dans l’émerveillement inces­sant de la vie ou peut-être que ce sont eux qui m’ont appris à enchan­ter et à m’émerveiller à chaque pas.

Vous avez renoncé à quoi ?
A m’accommoder des illu­sions, du conformisme.

D’où venez-vous ?
D’une petite ville du centre de la Sar­daigne, Bitti : un monde com­plet de sen­ti­ments timides expri­més dans une langue que je suçais avec le lait de ma mère.

Quelle est la pre­mière « image » qui a frappé vos émo­tions ?
Grim­per, avec les gar­çons et les filles du quar­tier, sur une char­rette tirée par des bœufs le long du che­min de terre de la mai­son à Bitti, comme le pre­mier voyage, la pre­mière décou­verte de l’autre.

Et le pre­mier livre ?
Je ne me sou­viens pas bien, sans doute de « Cœur » et « Des Apen­nins aux Andes » d’Edmondo De Ami­cis, et des livres de Jules Verne : « Voyage au centre de la Terre », « L’île mys­té­rieuse », « Vingt mille lieues sous les mers ».

Com­ment pouvez-vous par­ler de votre vision du corps ?
Un uni­vers qui pal­pite de beauté et de res­pect à tout moment

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
À Pier Paolo Pasolini

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres pho­to­graphes ?
Je ne sais pas. Je ne me consi­dère pas comme un pho­to­graphe. Je me consi­dère comme un vieil homme qui touche à la pho­to­gra­phie. J’ai com­mencé à pho­to­gra­phier en 2014 à l’âge de 62 ans, lais­sant place à une pas­sion sénile jusque-là endor­mie, ali­men­tée par des pas­sions de jeu­nesse pour la pein­ture, la musique et la lit­té­ra­ture. J’aime docu­men­ter la vie quo­ti­dienne, je cherche son aura et sa lumière intime ; Je m’attarde ins­tinc­ti­ve­ment sur ce qui m’étonne et que j’aime même inconsciemment.

Où et com­ment travaillez-vous ?
Dans les rues, à la cam­pagne et dans les villes que je visite, avec les gens qui me per­mettent de les pho­to­gra­phier. Sou­vent sti­mulé par la lec­ture d’un roman ou d’une his­toire, d’autres fois par un mor­ceau de musique, ou par la mémoire de lieux et d’êtres chers. Je pho­to­gra­phie des scènes, des frag­ments de regards, des lumières, qui sus­pendent mon souffle. J’aime pho­to­gra­phier la lumière natu­relle avec l’imperfection poé­tique de la pel­li­cule et la net­teté péné­trante des appa­reils photo numériques.

Quel est le livre que vous aime­riez relire ?
« L’Étranger » d’Albert Camus et « Des mots et des choses : une archéo­lo­gie des sciences humaines » de Michel Foucault

Quand vous vous regar­dez dans le miroir, qui voyez-vous ?
Fugi­ti­ve­ment je vois un sep­tua­gé­naire, je me sens tou­jours le même avec moins de temps restant.

De quels artistes vous sentez-vous le plus proche ?
La socio­lo­gie claire de Wal­ker Evans, le regard doré d’Henri Cartier-Bresson, la vie quo­ti­dienne sérielle de Vivian Maier, l’enchantement sémio­lo­gique de Luigi Ghirri, la com­plexité com­plexe d’Alex Webb, la théâ­tra­lité agi­tée de la soli­tude du déclin de Gre­gory Crewdson.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un livre de poèmes

Que défendez-vous?
Le sen­ti­ment d’honnêteté même s’il n’a que peu de “marché”.

Qu’est-ce qui ins­pire la phrase de Lacan « L’amour, c’est don­ner quelque chose que vous n’avez pas à ceux qui ne veulent pas savoir » ?
C’est la seule façon d’aimer, la seule façon d’être soi-même comme autre chose.

Et que pensez-vous de cette phrase de W. Allen : « la réponse est oui, mais quelle était la ques­tion ? »
La ques­tion n’est pas impor­tante, il est impor­tant de se dis­po­ser à l’autre comme on est dis­posé à soi-même.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Celle-ci.

lire l’entretien en italien :

Che cosa la fa alzare dal letto la mat­tina ?
Il mia­go­lio di Dedda che sem­bra un irre­sis­ti­bile richiamo alla vita come la melo­dia di un fado.

Che ne è stato dei suoi sogni di bam­bino ?
Forse li ho dimen­ti­cati nell’incessante stu­pore del vivere o forse erano pro­prio loro che mi hanno inse­gnato ad incan­tarmi e a mera­vi­gliarmi ad ogni passo.

A che cosa ha rinun­ciato ?
Alle illu­sioni acco­mo­danti, al conformismo.

Da dove viene ?
Da un pic­colo paese del cen­tro della Sar­de­gna, Bitti: un mondo com­piuto di sen­ti­menti schivi espressi in una lin­gua che ho suc­chiato con il latte materno.

Quale à la prima “imma­gine” che ha col­pito le sue emo­zioni ?
Salire, con i bam­bini e le bam­bine del vici­nato, su un carro tirato dai buoi lungo la strada ster­rata di casa a Bitti, come il primo viag­gio, la prima sco­perta dell’altro.

E il primo libro?
Non ricordo bene, senza dub­bio “Cuore” e “Dagli Appen­nini alle Ande” di Edmondo De Ami­cis, e i libri di Jules Verne: “Viag­gio al cen­tro della Terra”, “L’isola mis­te­riosa”, “Ven­ti­mila leghe sotto il mare”.

Come può par­lare della sua visione del corpo ?
Un uni­verso che pulsa bel­lezza e ris­petto in qual­siasi tempo.

A chi non ha mai osato scri­vere?
A Pier Paolo Pasolini.

Che cosa la contrad­dis­tingue dagli altri foto­grafi ?
Non saprei. Non mi consi­dero un foto­grafo. Mi consi­dero un anziano che si diletta di foto­gra­fia. Ho iniziato a foto­gra­fare nel 2014 a 62 anni, dando corso ad una pas­sione senile prima sopita, ali­men­tata dalle pas­sioni gio­va­nili per la pit­tura, la musica e la let­te­ra­tura. Amo docu­men­tare il quo­ti­diano, ne cerco l’aura e la sua luce intima; mi sof­fermo istin­ti­va­mente in ciò che mi stu­pisce e che amo anche inconsapevolmente.

Dove e come lavora ?
Per le strade, nella cam­pa­gna e nelle città che visito, con le per­sone che mi per­met­tono di foto­gra­farle. Spesso sti­mo­lato dalla let­tura di un romanzo o di un rac­conto, altre volte da un brano di musica, o dal ricordo dei luo­ghi e delle per­sone amate. Foto­grafo scene, fram­menti di sguardi, luci, che mi sos­pen­dono il res­piro. Amo foto­gra­fare la luce natu­rale con la imper­fe­zione poe­tica della pel­li­cola e con la pene­trante niti­dezza delle foto­ca­mere digitali.

Qual è il libro che le pia­ce­rebbe rileg­gere? “L’Étranger” di Albert Camus e “Le parole e le cose: un’archeologia delle scienze umane” di Michel Foucault

Quando si guarda nello spec­chio chi vede? Fuga­ce­mente vedo un set­tan­tenne, sento un me stesso sempre uguale con meno tempo rimasto.

Quali sono gli artisti a cui si sente più vicino?
La nitida socio­lo­gia di Wal­ker Evans, lo sguardo aureo di Henri Cartier-Bresson, la seriale quo­ti­dia­nità di Vivian Maier, l’incanto semio­lo­gico di Luigi Ghirri, l’intricata com­ples­sità di Alex Webb, l’inquieta tea­tra­lità della soli­tu­dine del declino di Gre­gory Crewdson.

Che cosa vor­rebbe rice­vere per il suo com­pleanno ?
Un libro di poesie

Che cosa difende ?
L’onesto sen­tire che non ha mercato

Che cosa le ispira la frase di Lacan “L’Amore è dare qual­cosa che non si ha a chi non ne vuol sapere”?
E’ l’unico modo di amare, l’unico modo di essere se stessi in quanto altro

E che cosa pensa di questa frase di W. Allen: “la ris­posa è si’, ma qual era la domanda?“
Non è impor­tante la domanda, è impor­tante disporsi all’altro come si è dis­posti a se stessi.

Che domanda ho sba­gliato?
Questa.

Pré­sen­ta­tion, entre­tien et tra­duc­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret, pour lelitteraire.com, le 8 août 2023.

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