Dans Londres bombardé, les livres…
C’est sous l’impulsion de son amie Viv que Grace Bennett accepte de quitter sa petite ville natale de Drayton pour Londres. Elles logent chez Mrs Weatherford, la grande amie de la mère de Grace, décédée il y a un an. Viv s’est constituée une lettre de références qui lui permet un emploi de vendeuse chez Harrods. Grace a refusé cette entourloupe. Aussi, sans solution, c’est sa logeuse qui force Mr Evans, propriétaire de la librairie Primrose Hill Books, à l’employer six mois pour lui faire ce document si important.
Les premiers contacts ne sont pas chaleureux. Mr Evans juge qu’il n’a pas besoin de vendeuse et Grace ignore tout des livres. De plus, elle est effarée par l’état du magasin, un capharnaüm très poussiéreux. Mais, il lui faut cette lettre de références et elle tient bon.
Quand pendant la pause de Mr Evans, une cliente lui demande un titre, c’est la panique. Un jeune homme, George Anderson, qui connaît bien la librairie, lui porte secours.
Très vite la menace de guerre se précise quand l’Allemagne envahit la Pologne. L’Angleterre se prépare à lutter et installe des éléments de défense passive.
Grace, peu à peu, nettoie, range, classe, étiquette sous le regard impassible de Mr Evans. Or, ses aménagements commencent à porter ses fruits et les clients, un peu plus nombreux, achètent plus. Parallèlement, encouragée par George, elle commence à lire. Mais, la guerre s’intensifie et les bombardements sur Londres qui se succèdent amènent de profonds changements dans l’entourage de Grace, dans sa personnalité car…
Dans ce livre, Madeline Martin détaille le quotidien des Londoniens depuis le mois d’août 1939 avec la progression des effets désastreux de la guerre et la découverte des livres et de la lecture pour Grace.
Ce sont d’abord les premiers contacts avec l’univers du livre, elle qui n’a travaillé que dans la quincaillerie de son oncle et n’a jamais eu le temps de lire, trop accaparée par d’autres tâches. L’auteure va faire entrer son héroïne dans le monde merveilleux de la lecture avec Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas que George, le jeune ingénieur va lui offrir avant de partir combattre.
Puis, c’est le récit de son activité dans la librairie, ses trouvailles pour promouvoir des romans et la vie quotidienne sous le Blitz, ces bombardements incessants qui ravagent la Capitale. La romancière raconte les préparatifs de défense aérienne, l’enrôlement des hommes, des femmes dans différentes organisations qui se créent, la mise à l’abri des enfants…
Les effets de la guerre induisent de profonds changements de la population, comme le rationnement. Les massifs de fleurs disparaissent, remplacés par des potagers. Il faut veiller au Black-out et des volontaires sont chargés de le faire respecter.
Pour Grace, c’est l’émerveillement de la lecture, une lecture qu’elle va être amenée à partager pour faire oublier quelques temps la dureté de l’époque. Elle va s’ouvrir au monde extérieur et vivre des moments intenses tant de bonheur que de malheur.
Avec un groupe de personnages finement conçus et construits, Madeline Martin fait vivre un moment crucial de la Grande Histoire vu par le petit bout de la lorgnette, celle qui est construite avec des milliers d’anonymes.
Avec cette Libraire des rêves ensevelis, la romancière livre un bel hommage aux livres, aux lecteurs, à ces femmes et ces hommes qui ont, par un quotidien héroïque, su résister à la barbarie.
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serge perraud
Madeline Martin, La librairie des rêves ensevelis (The Last Bookshop in London), traduction de l’anglais (États-Unis) par Élisabeth Luc, J’Ai Lu n° 13 764, avril 2023, 352 p. — 8,60 €.