La conclusion d’un cycle « musclé »
Ce nouvel album clôt le troisième cycle de la saga de Gil St André, ce paisible chef d’entreprise. Après avoir retrouvé son épouse enlevée dans d’étranges conditions, aidé une jeune beurette à sauver sa sœur, il se retrouve, dans le milieu crapuleux des grandes entreprises. Gil sauve une jeune femme, seule rescapée après l’explosion de son yacht familial. Diane de Rochard-Haumont, devient alors l’héritière de GRH, un empire industriel et financier. Lorsqu’elle préside son premier conseil d’administration, contre toute attente, elle nomme Gil comme PDG du groupe. Mais, les drames se succèdent et Diane, soupçonnée de meurtres, disparaît. Ses cousins, Thècle et Baudoin, sont impliqués dans un complot, visant à s’emparer du groupe GRH, fomenté par de mystérieux individus basés à Singapour. La DGSE décide, avec l’accord du « Monsieur Afrique » de l’Elysée, de supprimer les deux cousins lors d’un safari pendant que Gil et les principaux cadres du groupe effectuent un voyage au Malaki-Masso pour la signature d’un énorme contrat commercial. Sur place, Gil, et la société qu’il dirige, se trouve au centre de toutes les convoitises. Il a fort à faire pour déjouer les pièges qu’on lui tend, les attentats que l’on ourdite contre ses relations et… retrouver Diane.
Dans ce tome, Jean-Charles Kraehn met en scène une partie des magouilles de la « Françafrique », les liaisons perfides, dangereuses, du gouvernement français et des dirigeants africains, les excès de responsables prêts à tout pour la prise, ou la défense, d’intérêts financiers. Il expose, également, les chantages opérés sur les hommes politiques, les manipulations en vue d’élections « libres », les tentations auxquelles ils sont soumis, les avantages matériels qu’on leur offre… Mais l’essentiel du récit porte sur les rapports au sein d’une famille, quand d’énormes intérêts financiers sont en jeu. Même si on peut avoir le sentiment que l’auteur exagère, que des personnes ne peuvent être aussi vénales, il se rapproche pourtant d’une triste réalité. Il décrit par ailleurs les luttes intestines au cœur des grands groupes, les guerres que se livrent ces grandes sociétés, n’hésitant pas à employer les pires méthodes de voyous pour obtenir ce que l’autre possède ou convoite, pour prendre le pouvoir, pour s’emparer de nouvelles sources de richesse. Le scénariste joue avec les faux-semblants, les déguisements et les masques que portent nombre de ses intervenants.
Une série au scénario solide, bien documentée, basée sur des recherches fouillées dans cet univers.
Avec ce troisième cycle, l’auteur, qui assure scénario et dessin, les couleurs restant l’apanage de Patricia Jambers, donne un récit musclé, servi par un tempo vif tout en conservant les atouts de la série qui allie romantisme, panache et grandeur d’âme. Le graphisme est toujours aussi tonique, dynamique, la mise en page d’une grande précision donnant une lecture agréable et des planches plaisantes à parcourir.
Ballade africaine clôt avec brio ce troisième cycle des péripéties de Gil St André. On suivrait avec plaisir de nouvelles aventures de ce héros attachant, mais compte tenu de la conclusion, peut-on espérer une poursuite de la série ?
serge perraud
Jean-Charles Kraehn (scénario et dessin), Patricia Jambers (couleurs), Gil St André, tome 11 : “Ballade africaine”, Glénat, coll. « Bulle Noire », septembre 2013, 48 p. – 11,50 €.