Ionut Caragea l’essentialiste
Cet ouvrage rassemble 351 textes d’un des poètes majeurs de Roumanie : Ionut Caragea. Ils furent écrits entre 2006–2023.
Chez un tel auteur, l’être humain est tendu dans son aspiration vers l’absolu autant par la voie intellectuelle que la voie sensuelle, le tout en une contemplation apollinienne qui témoigne d’une orientation de l’esprit vers le concret du monde comme vers et surtout l’éther et l’éternité.
A mesure que Ionut Caragea avance, sa propension vers l’indicible se fait plus prégnante là où une sagesse se crée en avançant. A la limite à de la description ou de l’évocation, passant du biographique ou de l’événementiel à la méditation, la poésie crée une nécessaire déstructuration de la réalité vue et éprouvée au profit de la re-création par le verbe qui seul nourrit la présence non de la légende mais d’une vérité qui nous dépasse.
Perce déjà une aube attentive là où il ne s’agit pas cependant d’accorder un pouvoir magique au verbe mais de lui donner un pouvoir de voyance. Et ce, en mettant le point sur les i : contre les aveuglements il s’agit d’aller, à travers les frontières intimes, vers une essentialité métaphysique.
Le langage est donc la partie visible d’un manque abyssal. Dans ce but, plus l’insatisfaction du monde est vive et plus la poésie d’un tel créateur devient le seul moyen de redéfinir le terme rimbaldien d’ “ illuminations ”.
Caragea éprouve et fait éprouver le manque essentiel dont parle “ l’Ecclésiaste ”. Le langage tente de reconquérir une identité fuyante, introuvable.
Il est donc la mise en acte de l’absence dans la mesure où celle-ci conditionne le caractère inconnaissable de ce qui manque à l’être et qui conditionne la possibilité de la poésie digne de ce nom dans son appel au dépassement spirituel.
jean-paul gavard-perret
Ionuţ Caragea, Je me rends au ciel, Éditions ASLRQ, Montréal, Canada, 2023, 432 p.