Lancinante chorégraphie du construire
Entre des échafaudages, un tailleur de pierres et un maçon s’activent à la tâche au son du qanoun pendant que le public s’installe. Quelques éléments de mobilier en fond de plateau ne démentent pas cette atmosphère de chantier.
C’est une maison d’un quartier résidentiel de Jérusalem Ouest que l’on rénove, maison qui avait appartenu à un médecin palestinien avant 1948.
Sur grand écran, une femme d’âge mûr résume son parcours en plusieurs déménagements, quelques instantanés. Les propos tenus par les différents personnages qui viennent apporter leur témoignage sont elliptiques mais évocateurs ; il est question d’installations, de déplacements plus ou moins volontaires, puis finalement d’établissement.
Cela prendra le nom, même si le mot n’est pas prononcé avant longtemps, de colonisation. La loi sur « la propriété des absents » est devenue la toile de fond de l’histoire qui s’étend sur un quart de siècle. On comprend en effet la situation comme la construction de maisons pour le compte de commanditaires israéliens par des ouvriers palestiniens ; dans ce contexte conflictuel, on interroge l’acte même de construire.
Les personnages sont attachants, la musique bienvenue, les armatures de fer bien utilisées, comme les projections en fond de scène d’anciennes photographies ou de séquences significatives. Mais le procédé, redondant, finit par apparaître lancinant : en français, anglais, arabe, hébreux ou yiddish, chaque personne vient expliquer sa démarche, raconter son histoire et se justifier, sans méconnaître les raisons opposées qui restent dans l’air.
Le projet consiste sans doute à valoriser la vie plutôt que les souvenirs, le sens plutôt que les affects. Mais si le public est charmé, il est loin d’être envoûté par la représentation, comme si Amos Gitaï avait su occuper le plateau sans l’animer, sans vouer ses comédiens à une aventure scénique.
On a l’impression d’assister à une œuvre plus documentaire que dramaturgique, Amos Gitaï préférant le témoignage factuel à la parole dialoguée ; la pièce s’enferme dans une forme monologuée qui s’épuise sans prise de risque.
Pour autant, on apprécie les moments au cours desquels tous les protagonistes de ce récit se joignent aux musiciens pour marquer le rythme en frappant sur les montants de fer, élaborant une fragile chorégraphie savamment désordonnée.
christophe giolito et clara cossutta
House
texte et mise en scène Amos Gitaï
© Simon Gosselin
avec Bahira Ablassi, Dima Bawab, Benedict Flinn, Irène Jacob, Alexey Kochetkov, Micha Lescot, Pini Mittelman, Kioomars Musayyebi, Menashe Noy, Laurence Pouderoux, Minas Qarawany, Atallah Tannous, Richard Wilberforce.
Assistanat à la mise en scène Talia de Vries et Anat Golan ; adaptation du texte Marie-José Sanselme et Rivka Gitai ; scénographie Amos Gitai assisté de Philippine Ordinaire ; costumes Marie La Rocca assistée d’Isabelle Flosi ; lumières Jean Kalman ; son Éric Neveux ; chef de chœur Richard Wilberforce ; collaboration vidéo Laurent Truchot ; maquillage et coiffure Cécile Kretschmar ; préparation et régie surtitres Katharina Bader ; construction du décor atelier de La Colline – théâtre national ; production La Colline – théâtre national.
A La Colline Théâtre national
15 rue Malte-Brun, 75020 Paris
du 14 mars au 13 avril 2023 au Grand Théâtre
du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 le dimanche à 15h30 relâche le dimanche 19 mars
spectacle en anglais, arabe, français, hébreu, yiddish surtitré en anglais et en français • durée 2h30
Billetterie 01 44 62 52 52 billetterie.colline.fr