Les écrits de M. Girardot de Nozeroy (Christian Pageault)

Un joli coup, sans aucune por­tée dramatique

D’un ton solen­nel, Chris­tian Pageault, seul, franc et entendu, tente de cap­ter l’attention du public. Il s’agit de pro­fé­ra­tion ; le pro­pos est osten­si­ble­ment porté, déli­bé­ré­ment posé. On a affaire à un texte baroque, qui se joue de l’argument d’irréalité du monde. Le pro­pos brode sur le thème de la réduc­tion de l’extériorité à des appa­rences. Cor­ré­la­ti­ve­ment, on recherche, comme dans les œuvres ratio­na­listes du XVIIe siècle, un bien suprême. Est pré­sen­tée sur un mode quasi-mystique une expé­rience fon­da­trice, celle de l’exploration de la sen­sa­tion inté­rieure. L’auteur se repaît de tous les para­doxes de la sen­sa­tion. Une expé­rience d’autoscopie est pré­sen­tée ; le pro­pos évo­ca­teur ren­voie éga­le­ment à ces pra­tiques de décor­po­ra­tion chères aux spi­ri­tua­li­tés orien­tales. Dans ce texte aux mul­tiples res­sorts, se mêlent des recherches psy­cha­go­giques et des ins­pi­ra­tions métaphysiques.

On fait la ren­contre d’un pro­pos déli­bé­ré­ment atti­rant, rece­lant des intui­tions de ce qu’on appelle de nos jours des expé­riences de phi­lo­so­phie quo­ti­dienne. On assiste au déploie­ment d’une réflexion atta­chante, à mi-chemin entre le baroque et le sen­sua­lisme du XVIIIe siècle. Signes por­tés par le corps, par les sens, tra­qués, sui­vis dans la moindre par­celle de leur signi­fi­ca­tion, jusqu’à être ana­ly­sée dans son ina­nité. Une médi­ta­tion sen­so­rielle et méta­phy­sique, qui n’est pas faite pour le théâtre. Mais la lec­ture d’un inédit pour esprits avides de décou­vertes.
La repré­sen­ta­tion sus­ci­tera une curio­sité intel­lec­tua­liste et his­to­rique, prompte à faire revivre des bribes de sagesses antiques. On ne dévoi­lera pas la jolie pirouette finale : une mise en abyme inté­res­sante, qui fait tout l’intérêt du spec­tacle, mais qui confirme ses limites : la valeur de l’initiative de Chris­tian Pageault n’est pas théâ­trale (elle ne tient à aucune scé­no­gra­phie), mais réflexive, voire spé­cu­la­tive.
Un joli coup, sans aucune por­tée dramatique.

Chris­tophe Giolito

Les écrits de M. Girar­dot de Nozeroy

Avec Chris­tian Pageault
Col­la­bo­ra­tion artis­tique : Isa­belle Jobard, Ber­nard Guiyol­lot et Jacques Brucher

Au Théâtre Le Lucer­naire 53, rue Notre-Dame des Champs, 75006

Du 28 août au 19 octobre 2013, du mardi au samedi à 18h30.

 
 

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