Hervé Jubert, Vagabonde — tome 1 : “Les voleurs de têtes”

Une héroïne par­ti­cu­liè­re­ment sympathique

Quand Billie, quinze ans, se réveille dans le canapé, après un affreux cau­che­mar, c’est pour consta­ter que Séra­phin, son petit frère de huit ans se déchaîne sur un jeu vidéo et que leur père n’est pas ren­tré. Pour­tant, c’est le pre­mier jour des vacances et ils doivent par­tir en Grèce. Son père, Alphonse, est cam­brio­leur et elle rêve de suivre ses pas, alors qu’il ambi­tionne qu’elle fasse l’ENA. Ils se rendent chez Maxence, son par­rain, spé­cia­lisé dans l’art forain aux puces de Saint-Ouen. Ce der­nier, au vu de la situa­tion, lui remet une enve­loppe conte­nant les clés de Vaga­bonde et le car­net secret de son père. Il leur ordonne de par­tir, sans plus tar­der, chez leur grand-père, à Roche­fort, bien que celui-ci soit du genre doux dingue, fai­ble­ment atteint par la mala­die d’Alzheimer.
Explo­rant le car­net, méti­cu­leu­se­ment tenu par Alphonse, elle découvre, sous un rabat, une carte ban­caire, l’adresse d’un site Inter­net, un mot de passe : vaga­bonde et un code mys­té­rieux. C’est aussi le nom du camping-car avec lequel toute la famille par­tait en vacances et le pseudo que Billie uti­lise sur Inter­net. Sur le site, elle apprend, par un cour­riel signé Dra­cula, que son père, après avoir livré Scor­pion doit livrer trois autres têtes. Elle ren­contre Octave, un étu­diant loca­taire du stu­dio pos­sédé par Alphonse. Celui-ci, qui devait être en vacances au Japon, pro­pose de l’aider. Quand Billie, pour aider son père tou­jours absent, répond à Dra­cula, qu’elle va retrou­ver les têtes man­quantes, elle ne sait pas à quoi elle s’engage… Octave est-il celui qu’il pré­tend être ?

Avec ce pre­mier tome de Vaga­bonde, Hervé Jubert met rapi­de­ment en place le cadre de sa tri­lo­gie, mais passe immé­dia­te­ment aux choses sérieuses. Il plonge son lec­teur dans une suite effré­née de péri­pé­ties où il entre­lace éru­di­tion, humour avec cette façon par­ti­cu­lière qui lui est propre. C’est un ton à la fois enjoué, jubi­la­toire, tonique, alliant humour, bon sens et connais­sance appro­fon­die de l’adolescence.
Pour son intrigue, il s’inspire d’événements authen­tiques rela­tifs au pillage, en 1864, du palais d’été de Pékin et aux douze têtes qui ornaient la fon­taine du zodiaque. D’ailleurs, deux de ces têtes ont été, tout récem­ment, ren­dues à leur pro­prié­taire légi­time, la Répu­blique de Chine, par un mil­liar­daire fran­çais, en espé­rant obte­nir la pos­si­bi­lité d’ouvrir un éta­blis­se­ment de ventes aux enchères. Avec Billie, l’adolescente, et Séra­phin, son jeune frère, l’auteur crée un couple de héros par­ti­cu­liè­re­ment atta­chants. Il sait mettre en scène cette ado­les­cente intré­pide et ce petit gar­çon, d’une superbe façon. Il les entoure d’un groupe de per­son­nages aux carac­tères variés, allant du fan­tasque grand-père au sérieux, presque “coincé”, Octave, dont les moti­va­tions res­tent à découvrir.

Hervé Jubert joue avec toutes les formes d’humour (sans le cynisme). Celui-ci génère un cli­mat facé­tieux, fait sou­rire, voire rire et per­met un recul quand la ten­sion, sur l’avenir immé­diat des héros, semble atteindre un som­met. Il aligne un flo­ri­lège d’images cocasses avec, par exemple, la réflexion de Billie qui ren­voie sa chatte qui se fai­sait les cous­si­nets sur ses cuisses : « Je lui offre un bap­tême de l’air sur cinq mètres. » ou Séra­phin, fas­ciné par une dan­seuse voi­lée de fumée : « Il com­mence à per­ce­voir la Femme comme le Grand Mys­tère de l’Hominidé ». N’y a-t-il pas beau­coup de malice, pour un cam­brio­leur, à vou­loir faire faire l’ENA à sa fille ? Il dis­tille, par le biais de cer­tains de ses per­son­nages, quelques conseils utiles, quelques prin­cipes de vie et de santé, pointe les tra­vers des géné­ra­tions actuelles, mais aussi ceux des plus anciennes.
Un roman d’aventures super­be­ment conté, avec un art consommé du récit, une réelle maî­trise de l’intrique jusqu’à une conclu­sion qui donne une furieuse envie de lire la suite.

serge per­raud

Hervé Jubert, Vaga­bonde, tome 1 : “Les voleurs de têtes”, Rageot, coll. « Thril­ler », mars 2012, 224 p. – 9,90 €

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