Serge Lehman & Frederik Peeters, Saint-Elme : t.03 — “Le porteur de mauvaises nouvelles”

Quand l’eau de source enivre…

Frank San­garé, un détec­tive privé, retrouve Madame Dombre, à défaut de son frère Phi­lippe, à Saint-Elme, une petite ville de mon­tagne répu­tée pour son eau de source. Il est à la recherche d’Arno Cava­lieri, un fils de famille dis­paru depuis trois mois.
La ville est enva­hie par des gre­nouilles atti­rées par les sources chaudes. L’usine d’eau miné­rale est la pro­priété de Roland Sax. Ses jumeaux, Stan et Tania, orga­nisent toutes sortes de tra­fics. C’est pour Stan qu’Arno veille sur un dépôt de drogues dans une ferme iso­lée. C’est dans ces lieux qu’une gamine noire est enfer­mée. Elle est déli­vrée par un indi­vidu qui tue tout ce qui bouge après avoir enfermé Arno dans la camion­nette qu’il chargeait.

C’est là que Frank arrive pour ne trou­ver qu’un sur­vi­vant. Celui-ci l’assomme et le cloître.
Madame Dombre, alar­mée par la dis­pa­ri­tion du détec­tive, presse Phi­lippe de venir. Lorsque celui-ci arrive, la situa­tion s’est très dété­rio­rée. Frank a été tor­turé, mais cherche une issue pour s’évader.
La ziza­nie secoue la famille Sax entre les jumeaux qui tra­vaillent à un fumeux pro­jet, le direc­teur de l’usine qui joue pour lui, un patriarche qui tor­ture sa femme et quelques clans qui s’agitent, car les enjeux finan­ciers sont énormes avec cette nou­velle découverte…

Sur fond d’exploitation d’une source ther­male, de tra­fics de drogues, de tra­fics d’influence, de dérè­gle­ments natu­rels, Serge Leh­man donne un récit à la fois linéaire et retors. Il a l’art de mas­quer les mul­tiples res­sorts d’une intrigue par une appa­rente sim­pli­cité, mais son his­toire fait mouche.
Si le pre­mier tome plante le décor et pré­sente les prin­ci­paux pro­ta­go­nistes, le second per­met de déve­lop­per les bases et des inter­ac­tions déjà mus­clées entre ces acteurs du drame.
Le troi­sième lance l’intrigue, livre des révé­la­tions, de nom­breuses sur­prises et quelques réponses tout en ouvrant de nou­veaux ques­tion­ne­ments. Il en est ainsi sur la véri­table per­son­na­lité de ce fugueur qu’est Arno, sur celle de Phi­lippe, sur la famille Sax et ses col­la­té­raux dont les moti­va­tions semblent diverses et hété­ro­clites.
Faut-il voir dans l’invasion de gre­nouilles une parenté avec une des plaies d’Égypte décrite dans L’Ancien Tes­ta­ment ou une méta­phore climatique ?

Le tra­vail de Fre­de­rik Pee­ters concourt à rendre cette atmo­sphère étrange avec ses traits vigou­reux et ses cou­leurs fortes, voire criardes quand l’action délé­tère le réclame. Il pro­pose une gale­rie de pro­ta­go­nistes aux gueules bien char­pen­tées, des décors à l’avenant, don­nant un ensemble à pre­mière vue éton­nant mais riche et détaillé pour peu qu’on s’attarde sur ces planches.
Sa mise en page et ses cadrages font le reste pour une lec­ture détonante.

Prévue en cinq tomes, cette série se dévore avec enthou­siasme tant le récit est addic­tif, sou­tenu par un gra­phisme peu commun.

serge per­raud

Serge Leh­man (scé­na­rio) & Fre­de­rik Pee­ters (des­sin et cou­leurs), Saint-Elme : t.03 — Le por­teur de mau­vaises nou­velles, Del­court, coll. “Machi­na­tion”, octobre 2022, 80 p. — 16,95 €.

Leave a Comment

Filed under Bande dessinée

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>