Fabien Loris, est le pseudonyme de Dominique Fabien Terreran (1906 — 1979. Sa biographie reste en partie floue. Après ses études, il fait de la boxe, devient graphiste. Très lié à Jacques et Pierre Prévert, il rejoint le Groupe Octobre et le Groupe Mars, il voyage en Afrique où il crée des collages anticolonialistes, puis entame son travail de comédien au théâtre, en tant que figurant et chanteur puis participe à une vingtaine de films entre 1932 et 1955, notamment sous la direction de Jean Renoir et de Marcel Carné.
En 1935 il épouse Janine Tricotet, une amie danseuse et comédienne. Ils divorceront en 1942 et Janine épousera en 1947 Jacques Prévert. Fin 1938, il fait partie de la première équipe du cabaret-théâtre d’Agnès Capri et monte un duo avec Yves Deniaud.
L’album qui nous est donné de découvrir a été conçu par ce fervent irrégulier au milieu des années 1930.
En avance sur son temps et dans les marges d’un surréalisme tout sauf officiel, il offre dans ce tryptique une bande dessinée anticolonialiste et transgenre (“Le Pays du cul”) ainsi que des textes, des collages et photomontages surréalistes à partir d’une œuvre de Dora Maar, des portraits inattendus de Michèle Morgan, des illustrations “weird” et un certain nombre de dessins et photographies de fesses de femmes ou de l’auteur lui-même.
Ce “Missel balistique”, comme il est défini par l’éditeur, s’accompagne d’un essai de Patrice Alain qui reste à ce jour ce qui a été écrit de plus probant et pertinent sur Fabien Loris. Quant au corpus de ses propres œuvres, il est passionnant.
Le corps en jaillit, il prend diverses formes et chairs. Il devient autant un miroir d’éros que de thanatos. Entre étreintes, foirades ou épreuves de solitudes, textes et images créent d’étranges relations en cet ensemble qui est resté jusque là inédit puisqu’il n’existait qu’à un exemplaire unique — celui du créateur.
La relation que les corps suscite est plurivoque et autant politique que poétique. Les silhouettes s’ouvrent ou se ferment. Leurs forces résident en diverses dérives voire des leurres. Il ne reste rien des amours sinon les rouages dans lesquels le voyeur est remixé puis remisé par de telles créations paradoxales.
Il arrive que la femme et/ou l’homme semble toucher à “l’amour fou” mais à l’inverse parfois ni l’un ni l’autre ne mangera la pomme espérée, pas plus qu’un quelconque fruit de la connaissance en dépit de formes appétissantes dont se dénudent les fils qui les excitent dans et souvent le seul drapé de la peau.
En plus belle fille du monde, l’image ne donne pas pour autant ce que les voyeurs attendent. Tout reste en état d’ “expectation”. Si bien qu’un tel Album, en ses trois volets, sidère et “désidère” à bon escient autant et toujours contre toute attente.
jean-paul gavard-perret
Fabien Loris, Album, Editions Bouclard, Bouaye, collection L’Officine, novembre 2022, Non paginé — 30,00 €.