Dans ce texte puissant, la tête comme vissée les yeux à la lune, prend le soleil même pour la nuit. Dès lors, les fragments de la vie et des poèmes ignorent Epicure.
Surgissent des morceaux de temps à meubler de poèmes-boîtes qui sont ici portés, déposés, dilacérés car venus du fond de la membrane de mémoire.
C’est sans doute pour l’auteur le lien à des présences parfois discutables qui sucent le cerveau. Restent la coagulation, la stratification que crée le texte. Il se couvre de froid mais se refuse à se fermer.
Et ce, dans trop de cailloux et si peu de peau dans les marais du temps pour y prendre pied vers un début de corps.
Avec chez Grégory Rateau l’impression de ne pas se sentir né. Ou si mal. Restent les imprécations nocturnes, les meurtrissures de la voix qui revient de loin.
Mais c’est encore conjuguer l’être, se préparer à la chute, à l’éblouissement, à la nuit, à la réparation sans forcément se retrouver.
Reste à rapiécer les hardes existentielles — cela, depuis l’enfance. Défaire aussi l’amoncellement de l’abandon et des déchirements, s’extirper du malaise. Même si, depuis le temps premier, tout est cloîtré, enfermé, sanglé, cloué. Dès lors, de l’hydre de mémoire il ne faut plus se contenter mais est-il temps encore de faire table rase ?
jean-paul gavard-perret
Grégory Rateau, Imprécations nocturnes, Conspiration Editions, Mhère, 8 novembre 2022, 80 p. — 9,00 €.