Par glissements, Gérard Macé entraine le discours vers une convulsion. Elle pousse en un (profitable) désarroi.
Le tout “grâce à un nom de femme aussi mystérieux que les lettres effacées d’un alphabet ancien” et dans deux textes qui constituent un autoportrait “à travers mille vies”.
Le second — “Les trois coffrets” — est le plus intime. S’y suit l’histoire d’une jeune femme morte à Rome mais qui poursuit l’auteur au-delà du sommeil des sens soudain réanimés par l’amour si bien que “l’amoureuse se confond-elle avec la fée (…) qui s’arrange pour parler la dernière et dont la parole, à défaut de conjurer le mauvais sort, le rend moins définitif”
Il y a du Blanchot en une telle approche là où le texte oblige à vivre sans vérité. Les mots — quoique “témoins inassermentables” (Beckett) — se mettent “en repons” pour faire fonctionner le réel autrement.
Ainsi, entre les existences de personnages inconnus (vitrier de Baudelaire, maître déçu de Lacan, Henri Michaux fantomal, Clélia Marchi qui écrivait sa vie sur un linceul, etc.) et l’égérie disparue du second texte, le désir reste en frontière de ce qu’il est mais le vivifie.
Demeure dans la pénombre la volupté qui fait la folie de l’œuvre. S’y repère un état évanescent. Le texte n’est plus la traduction d’un discours de clôture même si s’y respire l’abîme.
Sa perfection est un toast à l’univers pensé mais indicible.
jean-paul gavard-perret
Gérard Macé, Vies antérieures suivi de Les trois coffrets, Gallimard, collection L’Imaginaire, 20 octobre 2022, 176 p. — 10,50 €.