Philippe Bouin, Meurtres en cuisine

Char­lotte Auduc en Péri­gord Noir

C’est avec plai­sir que l’on retrouve Char­lotte Auduc, cette com­man­dante de police au franc-parler et aux manières curieuses de mener ses enquêtes.
Après Au nom du père et du crime où elle arrive dans le Limou­sin, sa terre natale, après Huîtres et paniers de crabes où elle enquête dans le monde ostréi­cole, elle pra­tique le Péri­gord Noir et sa gas­tro­no­mie dans le pré­sent roman.

Joce­lyn Sar­ra­zi­gnac, un notable pro­prié­taire de truf­fières, arrive en pleine nuit pour débus­quer un indi­vidu. Il tire deux coups de fusil en l’air et le voleur aban­donne son sac de butin. Sar­ra­zi­gnac plonge la main dans le sac et la retire en hur­lant. Il n’a plus la force de bou­ger et voit arri­ver le salaud déguisé en… poisson-clown. Mais avant de mou­rir de la piqure du taï­pan, il a le temps de dire que le mémoire qu’il a rédigé est entre les mains de celui qui va le mena­cer, le faire dan­ser.
Char­lotte Auduc est à Fron­sac en com­pa­gnie de Jacques, cet homme sédui­sant. Mais, elle s’interroge sur la réa­lité de ce citoyen. Ayant eu accès à son dos­sier, celui-ci est étran­ge­ment vide.

C’est un Basque, adjoint du super­pré­fet de région, qui lui demande d’aller authen­ti­fier la mort par infarc­tus de Sar­ra­zi­gnac car le décès de cette per­son­na­lité locale ne doit pas don­ner cours à des rumeurs. Obli­gée, elle se rend vers Sar­lat. L’examen du corps ne pré­sente aucune lésion. C’est en le retour­nant qu’elle découvre deux vilains trous noirs dans le poi­gnet droit. Elle décide de faire autop­sier le corps au grand dam de l’adjoint.
Les inter­ro­ga­toires de ceux qui ont connus le défunt, de ceux qui ont été en contact pro­fes­sion­nel ou ami­cal per­mettent de débus­quer des ini­mi­tiés, des conflits… Et quand un res­tau­ra­teur étoilé est décou­vert mort, dans sa cui­sine, par morsure…

Char­lotte était au GIGN quand, lors d’un atten­tat, elle a pu sau­ver la vie du “repré­sen­tant du Peuple” le plus haut placé, en per­dant cepen­dant sa main gauche. Depuis, celle-ci est rem­pla­cée par une pro­thèse hi-tech et Char­lotte béné­fi­cie d’une pro­tec­tion en pla­tine. Nom­mée com­man­dante, elle choi­sit de reve­nir vers ses racines, le Limou­sin, et rayonne dans la région Nouvelle-Aquitaine.
Son créa­teur, dont on connaît l’humour cor­ro­sif, la dote d’un carac­tère fort, très fort et d’une pro­pen­sion à dire tout haut les véri­tés qui ne sont pas tou­jours bonnes à entendre pour ses interlocuteurs.

Rete­nant comme cadre le Péri­gord Noir et comme per­son­nages un éle­veur d’oies, un truf­fi­cul­teur, des chefs étoi­lés, l’auteur per­met ici à  la gas­tro­no­mie d’occuper une belle place sans pour autant faire de l’ombre à l’enquête et aux inves­ti­ga­tions des limiers.
Le roman­cier conçoit une intrigue fort sub­tile qu’il fait croître en ten­sion jusqu’à un dénoue­ment peu attendu. Il retient des patro­nymes tru­cu­lents pour la plu­part des membres de sa gale­rie d’acteurs du drame, des acteurs étonnants.

Paral­lè­le­ment, Char­lotte est confron­tée à un mys­tère quant à l’homme qui a su lui redon­ner confiance en elle en tant que femme. Si l’action est ryth­mée, ce n’est pas celle d’un James Bond, mais elle est ser­vie par des dia­logues enle­vés, au ton pétillant même lorsqu’il s’agit d’une conver­sa­tion ordi­naire.
Char­lotte ne manie pas la langue de bois, mais Phi­lippe Bouin use d’un voca­bu­laire à la fois pica­resque et relevé.

Une héroïne par­ti­cu­liè­re­ment atta­chante, un voyage en gas­tro­no­mie au fil d’une intrigue fort bien ima­gi­née font de ce roman un grand moment de lecture.

serge per­raud

Phi­lippe Bouin, Meurtres en cui­sine, Mois­sons noires, mai 2022, 336 p. – 7,50 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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