Jérôme Bertin condense là où tant d’autres diluent dans un sirop lyrique. Mais pour évoquer son enfance, son adolescence et plus loin encore, les verts paradis des amours enfantines, s’agglutinent Marie Chadou mais aussi Barbara et celles qui — estime-t-il — ont le feu au slip.
Le poète procède par à-coups, retrouvent les mots d’avant, les mots justes mais pas ceux désuets dont le Macronisme se pique, prouvant par là une vision qui, sous prétexte d’avancée, tient du rétropédalage verbeux.
Bertin, à l’inverse, fait claquer les mots de vie là où ça se passe : sur un minigolf où il fait la rencontre de Cathy “bonne comme les blés mais / conne comme un curé”, dans un mobile-home ou en des prés où Carine Rouchon gâte un de ses copains qui lui rend la pareille.
Tout est à fleur de vie et beaucoup se reconnaitront en de tels fragments où le corps suinte de diverses humeurs et où leur propriétaire en font fièrement état. Si bien que ces poèmes deviennent un roman d’apprentissage par sauts et gambades.
Existe dans cette façon de dire paradoxalement une insolente élégance. Une mauvaise herbe est là, ce qui ne l’empêche pas de pousser pour devenir plus qui il est que ce que certains croient qu’il est devenu. Et c’est là l’essentiel.
Tout est d’un humour sérieux dans ce remontage où la déconstruction n’est qu’apparente.
Ce qui change de tout ce que de prétendus poètes merdiques et ennuyeux tentent de nous faire croire.
Ici, le merdeux se construit avec sa solitude et ses amours ratés mais aussi avec ceux à venir.
jean-paul gavard-perret
Jérôme Bertin, Rage tendre, Au diable vauvert, Vauvert, juin 2022, 250 p.- 18,00 €.