Couchés dans le lit, genoux ouverts, sueur, toison, cheveux dénoués. Nus s’empoignent, se caressent, se déplient, se relèvent, s’agenouillent. Toute la langue est leur domaine. Chacun fouille, dérange le ciel sur le bord d’une rivière au tumulte incessant ou en montagne près d’un lac silencieux. Mélange des eaux : des paysages se superposent. Une source jaillit, une écorce éclate qu’un gémissement vient souligner.
Tiédeur et pic de chaleur. Chacun s’évide, se remplit, démêle son désir vers des cimes où des murmures se griffonnent. Fable en surplomb va dans le rituel de gestes lents dont la brûlure exauce un vœu ancien. Se prendre pour se perdre et se retrouver. Ne peuvent cesser d’y croire : l’amour disperse la poussière. Le moi cède quand dans ce faire tout se défait : histoire de l’un dans l’histoire de l’autre. Le moi et le toi ordinaires font des efforts pour devenir un toit plus qu’un grand mole qui n’existe pas.
Une même attache est là par diffraction à la hanche ou à l’âme. Non pas enfouie ni dissimulée mais libérée. De concert, la peur et son évanouissement : “Vous semblez énoncer des mots qui s’effacent” dit-il à celle qui lui répond : “Sans doute car je ne m’adresse pas aux mots.”
Il évoque la bête. Plus de posture. Telles sont les grandes lignes. Même dans l’allongement des jambes. Elles concentrent le plaisir pour le pulser dans la tête. Etreinte rien qu’étreinte. Avant que chacun s’affaisse sous son propre poids, inerte. Tous les muscles se détendent. A la remontée du drap : une sorte de tremblement.
La tête détachée à la naissance des épaules qui s’enveloppent dans les plis du monde. Berceuse. Les yeux sont clos, nuancés d’une grandeur passée. Reste un sentiment profond, et calme. La lumière s’abaisse.
Et quand la femme se relève, le décolleté de sa robe est d’une remarquable souplesse.
jean-paul gavard-perret
Photo de Martine Warner
Cette série “L’éthé des passions” est magistrale !
Un joyau de la littérature érotique !