Ulrike Ottinger, Zusammenspiel — Tabea Blumenschein — Ulrike Ottinger

De l’art queer

Ulrike Ottin­ger est l’une des cinéastes alle­mandes les plus impor­tants. Arri­vée à Ber­lin en 1973, elle est deve­nue une pion­nière de la ciné­ma­to­gra­phie d’avant-garde. Les œuvres pho­to­gra­phiques, les longs métrages et les docu­men­taires d’Ottinger ont été pré­sen­tés dans de grands fes­ti­vals inter­na­tio­naux et rétros­pec­tives, dont le MoMa à New York, la Ber­li­nale, le docu­men­taire et la Bien­nale de Venise.
Tabea Blu­men­schein (1952–2020) était une figure culte de la sous-culture fémi­niste queer de Berlin-Ouest dans les années 1970 et 1980. Pen­dant une dizaine d’années, elle a joué un rôle clé dans les films d’Ottinger en tant qu’actrice prin­ci­pale et cos­tu­mière, et a fait par­tie du légen­daire col­lec­tif punk d’avant-garde “Die töd­liche Doris”. Dans les années 1990, elle se retire du public, mais resta active comme artiste jusqu’à sa mort.

Dans la scène d’ouverture du très impor­tant film Ticket of No Return (1979) d’Ulrike Ottin­ger, celle-ci la défi­nit ainsi :  “une femme de grande beauté, créée comme aucune autre pour être Médée, Madonna, Iphi­gé­nie, Aspa­sia, a décidé un jour d’hiver enso­leillé pour échap­per à sa soli­tude de quit­ter La Rotonda. Elle a acheté un billet « Aller jamais retour. Ber­lin Tegel »”.
Blu­men­schein et Ottin­ger, indif­fé­rentes à toutes les conven­tions, ado­raient la trans­for­ma­tion : dans une esthé­tique avant-gardiste et dis­tinc­tive, les deux femmes ont embrassé dif­fé­rentes iden­ti­tés et défié de nom­breuses normes, révé­lant ainsi la per­for­ma­ti­vité du genre.

Amor­çant un dia­logue entre les pers­pec­tives des deux artistes, ce livres ras­semble pour la pre­mière fois les des­sins de Blu­men­schein et les pho­to­gra­phies d’Ottinger issues de leurs séances de per­for­mances conjointes. Peintre, cinéaste et pho­to­graphe, Ulrike Ottin­ger a créé tout un uni­vers artis­tique, un Cos­mos Ottin­ger.
Son approche trans­dis­ci­pli­naire est révo­lu­tion­naire aujourd’hui, mais Ottin­ger est aussi une pion­nière de l’art queer, de la cri­tique post-coloniale et de la confron­ta­tion avec le fas­cisme et la persécution.

Toutes ces ques­tions sont encore urgentes aujourd’hui : com­ment situer his­to­ri­que­ment les débats fémi­nistes, queers et esthé­tiques contem­po­rains ?
Et com­ment situer ces débats dans un cadre muséal ?

jean-paul gavard-perret

Ulrike Ottin­ger, Zusam­men­spiel — Tabea Blu­men­schein — Ulrike Ottin­ger, Hatje Cantz, Ber­lin, 2022, 576 p. — 68,00 €.

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