Auteur d’un roman majeur et méconnu — car dérangeant pour une certaine gauche bien pensante — Oran, philosophe spécialiste de Camus et photographe d’abord en agence puis free-lance, Jean-Jacques Gonzales développe une œuvre originale et prégnante.
En témoigne cette “conversation tardive” qui pourrait sembler un “simple” album de famille mais qui devient bien plus et propose sous la subjectivité une “leçon” générale sur le temps, la mémoire et la vie.
A la mort de ses parents, l’auteur est devenu le dépositaire de plus de deux cents photographies prises par son père. Elles sont restées pour le fils des compagnes et autant d’indices plein d’incertitudes et d’énigmes.
Dans ce livre, il a décidé de converser avec elle. Chacune est accompagnée d’un texte et le commentaire transforme et déplace la description et l’interprétation vers la rêverie.
Ce livre devient celui d’une double perte : de ceux qui ont disparu ou qu’il a peu connus et d’un pays dont il a dû partir. Cette absence duale n’est en rien le principe d’une nostalgie et c’est ce qui fait sans doute la force du livre.
Enfance disparue et souvenirs impossibles nourrissent un tel fascinant corpus d’un égaré du monde qu’il décrit jusque par des images dont il ne se souvient pas. Et pour cause : elles le devancèrent sur le chemin de la vie.
D’où cette réflexion sur l’enfance et l’exil. Le tout sans le moindre apprêt. Tout reste simple et juste dans la reconstruction d’un temps qui d’une certaine manière ne lui a appartenu que par bribes qu’il faut tenter de rassembler.
Ce qui fait la force du livre est moins sa matière que la façon dont elle est agencée en une écriture dense et en circularités subtiles pour créer à travers le disparate des temps passé une cohérence là où tout se défait.
jean-paul gavard-perret
Jean-Jacques Gonzales, Conversation tardive, L’Atelier Contemporain, Strasbourg, 2022, 206 p. — 25,00 €.