Francesca Pollock, Mon Pollock de père

Tombeau pour Charles Pollock

Fran­cesca Pol­lock, fille du peintre Jack­son Pol­lock, est née en 1967 aux USA, mais a grandi et fait ses études à Paris. Psy­cha­na­lyste, elle a tra­duit des ouvrages sur le cinéma et a par­ti­cipé à l’ouvrage qui ras­semble la cor­res­pon­dance de la famille Pol­lock.
Avec sa mère, Syl­via Win­ter Pol­lock, elles ont tra­vaillé à l’archivage et à la dif­fu­sion des œuvres de Charles Pol­lock pen­dant plus de vingt ans.

En effet, si Jack­son Pol­lock a trans­formé par son “lan­gage des signes” l’histoire de la pein­ture, son frère aîné Charles pro­fes­seur dans le Michi­gan et qui vint finir sa vie à Paris en 1988, tenta d’en mon­trer la chair et la nature autre­ment. Certes, l’œuvre de l’aîné n’est pas com­pa­rable à celle de son cadet : un révo­lu­tion­naire par famille et par siècle peut suf­fire…
Tou­te­fois, il n’a cessé de se cher­cher en créant une oeuvre figu­ra­tive, impres­sion­niste, abs­traite. Et son par­cours se ter­mine dans une sorte de “cal­li­gra­phisme” comme en hom­mage au frère décédé dans un acci­dent d’automobile près de trente ans avant lui.

Fran­cesca Pol­lock, par son récit, n’essaie pas de racon­ter l’histoire de son père dont elle ne connut que la vieillesse et encore moins celle de son oncle. Elle veut com­prendre et racon­ter sa propre his­toire, même si le père est tou­jours pré­sent. Néan­moins, écrit l’auteure “Ce que j’ai mieux connu de lui, c’est son silence”. Et c’est bien là le pro­blème.
L’auteure ainsi tente de s’extraire du silence dans lequel ce père s’était figé. Il s’agit pour la fille de le remettre au monde et au-delà de décons­truire le mythe bâti autour de l’art et la figure de Jack­son Pol­lock. Son mythe l’éleva en peintre unique en excluant ainsi l’art de son frère Charles qui put néan­moins et pro­gres­si­ve­ment s’exprimer par ce medium.

Surgissent dans ce beau livre des bribes d’histoires bal­bu­tiées. Elles sont les restes épars de la vie croi­sée de la fille et de son père. Et ce, jusqu’à ce que Fran­cesca recons­truise fina­le­ment — au moyen d’archives, cor­res­pon­dances, entre­tiens tirés de la presse ou radio­pho­niques, extraits de confé­rences de son père, etc., — son exis­tence.
Tout se mêle en un tel récit pas­sion­nant et d’une grande ten­dresse. Charles Pol­lock rede­vient para­doxa­le­ment vivant dans ce “tom­beau” en tant que genre lit­té­raire. La créa­trice lui élève en un vibrant hom­mage autant à l’homme qu’à son oeuvre.

jean-paul gavard-perret

Fran­cesca Pol­lock, Mon Pol­lock de père, Ate­lier Contem­po­rain, Stras­bourg, 2022, 176 p. — 25,00 €.

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Essais / Documents / Biographies

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>