Joao Cabral de Melo Neto, Poèmes choisis

Ou le “vice de la poésie”

Frère de l’historien Evaldo Cabral de Melo et cou­sin du poète Manuel Ban­deira et du socio­logue Gil­berto Freyre, Joao Cabral de Melo Neto (1920 — 1999) fut un ami du peintre Joan Miró et du poète Joan Brossa.
Ses mots pos­sèdent tou­jours une “lumière intes­tine” capable de désha­biller le concret de toute ombre et brume.

Ses œuvres poé­tiques s’inscrivent dans une ten­dance sur­réa­liste de la poé­sie popu­laire et régio­na­liste cher au monde sud-américain et plus par­ti­cu­liè­re­ment du Bré­sil.
Elle sont carac­té­ri­sées par leur rigueur esthé­tique et un lyrisme raffiné.

L’auteur décrit notam­ment la vie misé­rable des pay­sans de sa région natale et aride du Per­nam­bouc.
Beau­coup de ses textes sont de grands poèmes d’amour nour­ris d’une plé­thore de sen­sua­lité et d’humour : “Tu es un fruit à la chair ardente / tou­jours âcre / comme les ara­ças, les gua­ri­bades , les mara­cu­jas” et d’ajouter presque amer  :“cer­tains te disent pour­ries et d’autres te disent vertes”.

Il existe néan­moins un grand nombre de bouches d’homme pour la goû­ter mais aussi pour, au coeur de la misère, “boire les flaques que le fleuve oublie”. Toute sa vie et les vies du peuple sont là.
Elles sont habi­tées de l’intérieur “dans l’aiguille de chaque ins­tant”. Preuve qu’une telle écri­ture est mar­quée par une rigueur poé­tique et éthique.

Joao Cabral de Melo Neto a influencé tous les poètes bré­si­liens de la seconde moi­tié du XXe siècle et ses vers ont été mis en musique entre autre par Chico Buarque et Cae­tano Veloso.
Ce recueil, admi­ra­ble­ment tra­duit, per­met en consé­quence la décou­verte d’une oeuvre capi­tale par le regard ori­gi­nal que le poète porte sur le monde.

Le “vice de la poé­sie” (si l’on en croit l’auteur) injecte une dua­lité constante entre la vie et la mort.
L’homme du Ser­tao relie ainsi sans cesse à “l’infection de la nuit” la lumière du jour pour que l’existence avance du Per­nam­bouc jusqu’en Anda­lou­sie au sein de vision inédites et lustrales.

jean-paul gavard-perret

Joao Cabral de Melo Neto, Poèmes choi­sis, Trad. du por­tu­gais (Bré­sil) et pré­facé par Mathieu Dosse, Gal­li­mard, Hors série Lit­té­ra­ture,  7 avril 2022, 110 p. — 12,50 €.

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