David Léon, Debout, la joie

« Mat/thieu »

La récente col­lec­tion jaune Hors cadre des Edi­tions espaces 34 publie, après les textes de Cl. Galea, Ph. Malone et M. Simo­not, Debout, la joie de David Léon dont la dédi­ca­taire est l’éditrice, Sabine Che­val­lier. Cette col­lec­tion accueille en effet «  un lieu des voix, des fic­tions qui appellent la parole et le corps ».
Le cadre dès lors du genre lit­té­raire peut écla­ter, s’écarter de l’écriture dra­ma­tique stric­te­ment dialogique.

Le texte de David Léon s’affirme comme l’impossible néces­sité d’un conti­nuum. L’oeuvre est frag­ments (un des mots essen­tiels du livre), au nombre de 25 comme autant de poèmes en prose, de pages d’un jour­nal intime rap­por­tant le temps du Covid, des grandes mani­fes­ta­tions pro­tes­ta­taires, du Confi­ne­ment, de l’explosion sur le port qui a ravagé Bey­routh ou celui des incen­dies cali­for­niens, des lec­tures de l’auteur Mathieu Ribou­let, mort en 2018, ou le temps passé sur la vaste plage médi­ter­ra­néenne des corps nus, des vagues, des oiseaux migra­teurs, la Maguelone.

Au-delà du frag­ment, quelque chose emporte la voix de l’auteur, celle qui lira d’ailleurs un des pas­sages de son texte (cf XXI) sur Sound­Cloud. Les lignes chassent tout obs­tacle. La ponc­tua­tion et les majus­cules qui nor­ma­le­ment se répondent, ont dis­paru.
De la plage à la « mer étale » de l’ouverture à celle du bai­gneur entrant dans les eaux froides de la mer, la parole écrite tisse sa toile.

Une grande par­tie de l’art, depuis le siècle der­nier, construit sa propre archi­tec­ture à par­tir de pré­lè­ve­ments, d’emprunts, de col­lages. Ici par exemple, pro­pos repris des poli­tiques en charge des mesures gou­ver­ne­men­tales (en ita­liques). Et essen­tiel­le­ment les extraits nom­breux de textes de Mathieu Ribou­let qui entrent en cor­res­pon­dance avec le texte de David Léon.
Mais au-delà de la simple cita­tion ou illus­tra­tion, ces extraits sont hom­mage et tom­beau poé­tique, voix off qui « dit » en quelque sorte, lec­ture en direct et écho onos­ma­tique : Mathieu, l’écrivain et Mat­thieu le frère sui­cidé, per­son­nage fon­da­teur du théâtre de David Léon. Les « deux frères » dont la gémi­née du t serait l’unique fron­tière. Les deux corps empor­tés dans la mort par la mala­die ou le pas­sage violent d’un T.G.V.

Les deux œuvres s’embrassent, s’enlacent. ; les guille­mets font le reste ainsi que les notes qui com­plètent le texte. Le lec­teur de Ribou­let qu’est le narrateur-auteur ins­crit dans le corps de ses pages, celui de cet écri­vain dont la biblio­gra­phie en majus­cules sur­git.
Mais l’écriture est aussi une quête auto­bio­gra­phique ou plu­tôt celle d’une vie ren­due à sa propre fic­tion. La famille. La mère et le père, la sœur aînée et les deux frères, celui qui va écrire et celui qui va mou­rir. Ecrire recons­ti­tue, pénètre, va cher­cher le désir.

Le titre dit quelque chose de cette double éner­gie : se lever tout d’abord et connaître l’exaltation la plus pure et la plus vive. Expri­mer en somme la joie annon­cée par la troi­sième épi­graphe dont Vir­gi­nia Woolf est l’autrice tirée des Vagues : Il y a des cloches qui sonnent pour la vie. Une feuille tombe, de joie.
La joie de sai­sir dans la des­crip­tion, l’image poé­tique du lan­gage, la beauté du monde, du vivant saisi dans toute sa force comme si David Léon fon­dait en écho à l’oeuvre de Mathieu Ribou­let, une nou­velle écri­ture, récon­ci­liant les êtres avec eux-mêmes.

lire un extrait

 marie du crest

David Léon, Debout, la joie, Edi­tions espaces 34, col­lec­tion Hors cadre, 2022, 76 p. — 14,00 €.

Le théâtre de David Léon est publié chez Espaces 34.

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