Le théâtre de David Léon (Stonewall)

David Léon, un théâtre des voix

Qu’est-ce qu’une oeuvre ? Une oeuvre théâ­trale écrite et jouée ?  Qu’est-ce qui fait oeuvre, en vérité  ?
Ela­bo­rer une biblio­gra­phie mal­gré soi ; écrire quelque chose  puis autre chose, peut-être ?  Ecrire et être publié ?  Ecrire et être monté ?

Il existe pour­tant aussi des oeuvres inache­vées, des inédits post­humes que l’on découvre un peu par hasard, des textes que l’on sou­haite détruire. Un auteur sait-il même qu’il écrit un jour, son ultime livre, son der­nier poème dra­ma­tique ?
Il y a tout juste dix ans, David Léon publiait sa pre­mière pièce : Un bat­man dans sa tête, qui sera créée en 2014 à Mont­pel­lier dans une mise en scène d’Hélène Sou­lié.  En 2021, Sto­ne­wall vient d’être édité.

Cette décen­nie créa­tive s’inscrit dans la fidé­lité d’une édi­trice de textes dra­ma­tiques, Sabine Che­va­lier ( Espaces 34).
L’oeuvre de David Léon est pour le lec­teur, le spec­ta­teur comme un ter­ri­toire décou­vert et reconnu  : des tra­jec­toires de per­son­nages qui se répondent en écho comme le «  cycle fami­lial » des ori­gines ( Mat­thieu, le jeune frère sui­cidé,  la mère «  qui crie », le père…) pré­sent dans Un Bat­man dans la tête,  Sau­ver la peau en 2014, et De terre de honte et de rai­son en 2018.

Des cita­tions en écho au texte aussi. Et sur­tout des voix humaines por­tées par celui qui écrit. Les répliques s’effacent dans  cette rémi­nis­cence de paroles.  Dans une inter­wiew de  2014, lors des Jour­nées de Lyon des auteurs de théâtre, David Léon  affir­mait  que ce qui impor­tait pour lui dans son théâtre, c’étaient jus­te­ment les voix inté­rieures, les voix «  qui tra­ver­saient » ses per­son­nages. Les figures ainsi sont-elles mises à dis­tance d’elles-mêmes, sou­te­nues, par le retour dans l’ensemble des textes,  du verbe DIRE.
Les êtres du théâtre de David Léon échappent la plu­part du temps à la machine des dia­logues ; ils soli­loquent : lit­té­ra­le­ment, leur pro­pos sont arti­cu­lés dans une soli­tude abso­lue.  Ils  se suc­cèdent, se jux­ta­posent en chant cho­ral. Le mono­logue de théâtre sup­pose le dia­logue ; par­fois il se  fonde en tirade ou en un dis­cours. Rien de tout ceci dans l’écriture de D. Léon. Il est ques­tion d’une soli­tude men­tale ou exis­ten­tielle : l’univers psy­chia­trique nour­rit  cer­taines pièces comme  Toutes ces voix ( 2020).

Le texte du poème dra­ma­tique s’émancipe alors d’une archi­tec­ture en actes et en scènes : les frag­ments, les strophes, les phrases ou de simples mots consti­tuent la matière tex­tuelle. D’amours ( 2019) ras­semble des mor­ceaux épars,  des pho­to­gra­phies amou­reuses et ne sup­pose pas une fable linéaire.
Cette parole à la fron­tière du chant est illus­trée par deux réfé­rences de la pop amé­ri­caine, qui tiennent une grande place dans son oeuvre,  Madonna et M. Jack­son, qui est au centre de la pièce Never­land ( 2017).

Ce n’est sans doute pas un hasard si le théâtre de David Léon, par-delà des créa­tions de mises en scène, a donné lieu à un nombre impor­tant de mises en voix, de réa­li­sa­tions radio­pho­niques ou de lec­tures qui effacent la réa­lité phy­sique du corps du comédien-personnage d’une façon ou d’une autre. Que l’on pense au tra­vail de Sta­nis­las Nor­dey sur Un jour nous serons humains (2014) puis à la créa­tion sur France Culture de Chris­tophe Hocké sur le même texte ou aux émis­sions sur radio Cla­pas dans les­quelles l’auteur ou plu­tôt sa seule voix guide celle de jeunes comé­diens de Mont­pel­lier. Ou encore à la lec­ture de La nuit la chair en 2016 à l’occasion du Prin­temps des Comédiens.

Le théâtre  de David Léon est bien celui de la famille, de l’amour, de l’homosexualité, de la vio­lence sociale mais jamais en répon­dant à une logique de simple repré­sen­ta­tion du réel mais tou­jours à une poé­ti­sa­tion de ce der­nier que des voix portent en elles.
David Léon a été récom­pensé à diverses reprises (sélec­tionné par les lec­teurs de La Comé­die Fran­çaise en 2012,  fina­liste en 2015 du Grand Prix de La Lit­té­ra­ture Dramatique).

Toutes ses pièces sont dis­po­nibles aux édi­tions Espaces 34.

lire un extrait de Sto­ne­wall

marie du crest 

David Léon, Sto­ne­wall, Espaces 34, 2021, 48 p. — 11,80 €.

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