Portait de l’artiste en Killer
L’âme sombre du majestueux Killer s’adapte aux milieux qu’il “surfigure” en ses labyrinthes optiques inspirés de modèles originaux. Tout est charnel sauf parfois un phallus en stuc pour compléter par le sens de l’allégorie du dérisoire en une certaine trivialité moins positive que bien des ouvertures.
Tout regardeur-voyeur navigue entre familiarité et mystères.
Les minettes sont des lionnes à qui l’imprudent donne la papatte. Plus question pour lui d’aller se cacher sous un divan comme un sot fat. Son style, son humour, sa cruauté son inimitables. Il décrit la vie des animaux-machines qui n’ont rien de cartésiens.
C’est donc le portraitiste officiel de nos vicissitudes. Trois femmes sur un coussin en Damart rouge deviennent les éminentes noires pour les visiteurs au tempérament bientôt trempé dans leur canyon pour qu’ils collent au radeau et grimpent au rideau.
Le Killer ne néglige pas pour autant l’émotion dans ses dramatisations particulières et cruelles. En qui nous sommes les volts errent à même les trousseaux torsadés en de tels adultères. Chacun a perdu son mètre en de tels aires où les tartares en font de belles. De chambre en chambre, sauts et caresses font pousser des cris barbares qu’une telle peinture éructe — impertinente dans sa nature.
Par effet de surface, Cauda déplace les habituels points de fixation sur lesquels l’érotisme s’appuie. La peinture devient une matière aussi abstraite que sensuelle. Tout y demeure entre clôture et passage, exhibition et aporie. La nudité, le sexe et son transport sont rassemblés pour la caresse comme la crudité. La peau et la peinture restent un passage entre rêve et fable.
Rien ne s’achève. Tout s’égare. La Charles-attente ouvre moins à une perte d’équilibre qu’à un autre versant du désir.
Bref, le corps n’appartient qu’à son mystère. A son amour peut-être. Car chez le Killer l’amour préside au chemin – et il n’existe pas de chemin où il n’y a pas d’amour.
C’est pourquoi sur ce chemin les peintures dressent des horions et aussi des horizons poétiques. Mais des horizons qui répondent à leur nature : à mesure qu’on s’en rapproche, ils s’éloignent.
jean-paul gavard-perret
Jacques Cauda, Album photos, 2021.